Aussi s’était-il esquivé aux regards indiscrets, se coulant dans un passage secret méconnu qu’il avait découvert sur un vieux plan dans la bibliothèque privée impériale. Il ressentait d’instinct le besoin de se rendre à l’écurie où se trouvait sa monture personnelle, ne sachant trop, au début, si c’était pour une raison précise ou juste pour le réconfort inépuisable qu’il pourrait y trouver. Et puis la terre trembla, et il su, car il sentit ce qui se dessinait déjà derrière le Chasseur. Il pressa un peu le pas, et il débouchait juste dans l’écurie quand l’aura de noirceur primordiale du Démon se fit sentir. Sauf qu’il n’avait rien à faire de l’aura de ce démon. Il y avait autre chose derrière. Quelque chose qu’il connaissait aussi, quelque chose de pire, en l’occurrence, que la créature que son geste irréfléchi avait suscité. Bien sûr, il n’avait plus guère de pouvoirs magiques à engager dans la bataille, et ne pouvait pas intervenir comme il l’aurait fait dans son incarnation précédente, mais il fallait tout de même qu’il s’en occupe, puisqu’Ellianne était affairée à autre chose.
Il sentit le bouclier se créer et l’arrivée d’Astaroth sans y prêter attention, car cela ne le concernait pas. À la place, il se dirigea d’un pas calme vers l’unique occupant de la spacieuse et confortable écurie. C’était un cheval, plus grand qu’une monture ordinaire, aux muscles puissants et bien découpés. Sa robe était noire comme la nuit, de même que sa queue et sa crinière. Les yeux qu’il posa sur le Spectre étaient eux aussi entièrement noirs, mais d’un noir différent, fondamental, un noir qui s’étendait à l’œil entier, sauf la pupille, une pupille rouge, rouge comme le cratère d’un volcan, brûlant d’un feu intérieur infini et d’une intelligence au-delà de l’animal. Et quand leurs regards se croisèrent, quelque chose d’inqualifiable passa entre eux, comme à chaque fois. Ce n’était pas un simple cheval, c’était le Cheval, et lui serait pour jamais son Cavalier. Il n’était pas le seul de sa race formidable et immortelle, qui en se mêlant aux chevaux de moindre sang avait engendré bien des lignés fameuses d’étalons, mais il avait toujours été un de leur seigneur, un prince même parmi ces créatures d’exceptions. Et il était sien.
Des armures étaient accrochées contre le mur, en parfait état. Il lui en revêtit une légère et changea lui-même de tenue, adoptant une protection légère mais surtout des vêtements plus adapté au voyage, confortables et résistants, ainsi qu’une longue cape noire, dotée d’un capuchon profond. Puis, d’un seul mouvement souple, il enfourcha sa monture, et se sentit enfin complet. Alors il su où il devait aller, et le lui murmura à l’oreille. Ce n’était pas nécessaire entre eux, mais il sentit le frisson courir dans le cheval comme en lui. Ils chevaucheraient encore. Ce corps avait été choisit et avait grandit en partie pour cette activité précise, pour monter ce cheval comme son incarnation précédente ne pouvait pas tout à fait le faire. Alors le couple ancien emprunta la large voie qui s’ouvrait dans un des murs, celui faisant face à l’unique porte, et qui était un passage secret passant sous le Palais et la ville pour déboucher hors d’Etemenorkia, dans un petit monticule de la plaine.
Ils commençaient tout juste à prendre de la vitesse sous la terre quand un nouveau frisson parcouru le Premier Conseiller Impérial, un frisson qui le prit des pieds à la tête. Il était bien loin, pourtant il entendit les mots comme s’ils avaient été murmurés à son oreille. Il ne comprit pas quand vint le premier, quoiqu’il le reconnu aussitôt, mais le second le remua jusqu’aux tréfonds de ce qui lui servait d’âme, pour d’excellente raison. Quant au cinquième… Il ne sentit même pas la subtile perturbation de la Trame tant son simple énoncé l’habitait. De tels noms - car s’en était - n’auraient jamais dû être prononcés dans ce monde, où dans aucun autre. Pourtant, il avait une autre tâche à mener, et il devrait donc, comme si souvent au part avant, lui faire confiance…
« J’espère que tu sais ce que tu fais, ma veille... »
Et, avec un soupir, il se concentra sur la course de sa monture. Ils traversèrent la protection magique étourdissante de puissance qui masquait l’entrée du passage d’un côté comme de l’autre, et filèrent vers les Cavernes Sombres. Ils étaient probablement les plus rapides, mais il savait aussi que d’autres devaient venir, et qu’ils avaient dû partir plus vite, sans doutes. C’était un savoir profondément inscrit en lui, autant qu’une simple évidence. Tout s’équilibrait toujours et, dans l’état où était sa Magie, il ne faisait pas du tout équilibre à ce qui se profilait… Heureusement, la Magie n’avait jamais été que l’un des nombreux atouts qu’il gardait sans sa manche…
Dernière édition par ombretueur le Ven 29 Avr - 14:43, édité 1 fois (Raison : rouge=correction ( cf règlement intérieur. ))