[GdD] Mobilisation en Dorthonion

Dorgnath avait poussé sa monture au maximum. Le cheval mourut quand il fut arrivé à Gor Cogrod. L’Emissaire ordonna qu’on lui amène un autre animal, et il partit au galop, déambulant dans les allées de la cité. Quelques instants plus tard, il arrivait au courant au Palais Royal, situé dans les quartiers chics.

- Mon Roi ! Elle a refusé !

Oradroth baissa les yeux et prit une profonde inspiration.

- Ainsi soit il… – dit-il dans un murmure.

Très vite des ordres furent donnés. Le Roi ordonna la mobilisation générale. Tout le Dorthonion était concerné. La nouvelle fut portée dans toutes les grandes villes du Royaume.
La Légion, l’Armée Royale et l’Armée du Lac devaient être rassemblées au plus vite.

- Sire, vos délais sont trop courts, nous ne pourrons être prêts demain !

Oradroth foudroya le général qui avait prit la parole du regard. Celui-ci se tut, et salua. Il avait compris. Les ordres du Roi ne sont pas discutables.

Finalement, avec l’aide de la population, l’approvisionnement, les armes et les bêtes furent prêts. On laissa dans la Capitale une petite partie de soldats. Si un repli devait être ordonné, les Armées se rassembleraient ici. L’Armée du Lac se dirigea vers la frontière Sud du Dorthonion, et camperaient non loin du Grand Fleuve. L’Armée Royale et La Légion, quant à elles, furent placées plus au Nord. De toute manière, les armées de l’Empire seraient visibles à des lieues… Jusqu'à leur arrivée, il sera temps de rassembler d'autres hommes ailleurs dans le Royaume pour les combats.

Oradroth n’était pas parti avec les Armées. Il était resté à Gor Cogrod. Certaines choses devaient encore être réglées. Il sera temps de rejoindre les troupes plus tard.

Oradroth ne s'était pas couché. Tout comme les généraux qui étaient présents avec lui dans le Palais Royal. Ils avaient travaillés, planifiés, organisés. La logistique était opérationnelle maintenant. Les préparations à la défense de la ville allaient bon train.

Personne n'avait discuté les ordres, ou même pensé à critiquer les agissements d'Oradroth. Le royaume était en guerre, certes, mais ce n'était pas le Dorthonion qui l'avait déclenchée. Qu'y avait-il de mal à vouloir vivre indépendant? Pendant plus de deux cents ans le Dorthonion avait été un vassal de l'Empire. Chaque année, il fallait payer un impôt pour l'Empire, envoyer des hommes pour compléter son armée, donner gracieusement de la nourriture, pour remplir les panses des riches familles d'Etemenorkia. En quoi l'Empire s'était-il montré redevable? Qu'avait-il apporté de bon? Rien, hormis la guerre, la destruction, et le chaos qui s'en est suivi. Mais aujourd'hui, l'Empire veut à nouveau profiter des petits royaumes, en les saignant à blanc, et en ne leur laissant aucune autonomie.
Cela suffisait! Tout le monde, en Dorthonion, s'accordait à le dire. C'est pourquoi le couronnement d'Oradroth, quelques année plus tôt, avait été un évènement très important pour le peuple, car fortement symbolique. Un homme avait défié l'Empire. Un seul homme contre tout un continent.
Même si cette décision devait conduire à la ruine du pays, tous l'assumait. Oradroth avait été aimé par son peuple pour cet acte de "rébellion".

Un soldat de la Garde Royale était entré dans la pièce qui servait de Quartier Général des Armées. Il apprit à Oradroth qu'un Impérial attendait d'être reçu. Quand il demande le nom de l'individu, il n'en crut pas ses oreilles. Lupus? Ici? Qu'est ce que cela pouvait bien dissimuler? Etait-ce une manœuvre d'Ellianne? Cette rencontre était-elle autorisée par l'Impératrice?

- Faites le entrer immédiatement!

Oradroth ordonna à tous ceux présents dans la salle aux Armures de quitter les lieux. Ceci allait être un entretien privé.

Lupus entra, et le Roi l'invita à s'asseoir à table.

- Veuillez me pardonner ce désordre, Conseiller Lupus. Nous étions en train d'étudier des cartes. Vous comprenez, nous sommes en guerre... - dit-il avec un petit sourire au coin. Ah! Mais j'en perds ma courtoisie...

Il demanda à ce qu'on amène des boissons et à manger pour deux.

- Me ferez-vous l'honneur de prendre votre petit-déjeuner en ma compagnie, Monsieur? Ce sera plus agréable pour discuter, ne trouvez-vous pas?

Oradroth avait remarqué que son invité ne voulait guère perdre de temps, et était passé directement aux choses sérieuses.Cependant, le roi avait faim, et rien de mieux qu'un petit déjeuner pour se remettre d'aplomb. Il écoutait Lupus tout en mangeant.

Lupus était ici à titre personnel. Le petite peste ne savait donc rien de cet entretien, ou du moins n'avait-elle pas encore cherché à expliquer la disparition de son fidèle Conseiller... Cela ne tarderait pas.

Oradroth aperçut dans les yeux de Lupus une lueur de malice. Une volonté de bien faire, d'arranger les choses. Il avait un plan. Du moins, il savait quoi faire, et quoi dire. Tout était prêt dans sa tête. Malgré la vieillesse du Conseiller, il avait encore les idées claires.

Dès que le Conseiller eut terminé de parler, Oradroth décida de ne pas répondre immédiatement. Lupus était tendu. Le courroux d'Ellianne allait-il être aussi terrible qu'il l'avait dépeint? Le roi but une gorgée de café, s'essuya les lèvres, puis recula un peu sa chaise, et croisa les jambes.

- Cher ami! On va faire semblant que vous l'êtes, ça ne vous gêne pas?

Devant le silence de Lupus, qui s'était jeté sur la nourriture maintenant qu'il avait laissé la parole à Oradroth, le roi poursuivit.

- Je vous remercie sincèrement de vous préoccuper ainsi de mon jeune royaume. Je vous aime bien. J'ai l'impression que vous savez plus vous servir de votre cerveau que la petite jeune qui est notre, pardon! les vieilles habitudes restent, votre, Impératrice. Peut-être devriez-vous échanger les rôles? Vous pourrez compter sur mon soutien, en tout cas - dit Oradroth avec un sourire aux lèvres.

Mais faisons trêve de plaisanteries. Conseiller, je sais parfaitement que le Dorthonion ne peut gagner seul cette guerre. Nous sommes bien trop faibles pour espérer une victoire nette. Mais nous pouvons faire durer un peu cette guerre. En refusant toute bataille ouverte, nous avons une mince chance...

Cependant, n'allez pas croire que ça m'enchante de voir tous ces gens condamnés à une mort certaine. Pauvre Ellianne, mettre un pion pour gouverner le Dorthonion après moi... Mais pour gouverner qui? Il ne restera plus personne, je vous l'assure.

J'ai proposé à l'Impératrice des traités commerciaux, et une alliance stratégique. Je ne peux rien proposer de plus. J'ai peur qu'en réalité, elle n'ait pas confiance. Je ne suis pourtant pas une menace. Je réclame juste un peu de liberté. Est-ce trop demander après deux cents ans de bons et loyaux services envers les deux Empires précédents?

Oradroth laissa la question en suspend. Il en profita pour se servir de nouveau à boire. Lupus, quant à lui, avait à présent une expression indéchiffrable.

- Comprenez-moi bien. Je n'ai jamais voulu cette guerre. Si vous pensez qu'il peut y avoir une issue pacifique à cette situation, je vous demande de tout me dire. J'accepte de rencontrer l'Impératrice si vous pouvez organiser ça. Mais dites-moi à quoi vous pensez. Quelles garanties supplémentaires pourrais-je apporter?

Le roi soupira et baissa la tête. Son regard était plongé dans la tasse à café. Il voulait se perdre dans la couleur noire du breuvage. Quel cauchemar! Tout ça à cause d'une jeune fille qui croit pouvoir bâtir l'avenir sans regarder les erreurs du passé... pensa pour lui même le jeune roi.

Oradroth avait écouté le Conseiller Impérial avec attention.

- Je dois donner à l'Empire des enfants de familles nobles, pour qu'ils soient éduquer à Etemenorkia, qu'ils subissent un lavage de cerveau, qu'ils ne sachent même plus où est leur patrie, qu'ils ne connaissent plus le sens du mot 'liberté', qu'ils oublient qui ils sont, qu'ils servent gentiment l'Empire plus tard? Ah oui! Grandiose, je vous l'accorde.

Oradroth était fou de rage. Plutôt crever que de donner mes gosses à l'Empire! - pensa-t-il.

- Jamais, vous m'entendez, jamais je ne ferai ça. C'est immoral.

Le roi se leva lentement, puis fit quelques pas dans la salle. Se rendre? Jamais! Pas dans de telles conditions. Et dire que tout le continent se vidait pour l'attaquer, et que nul autre duché ou autre n'allait s'élever contre l'Empire. Dans quel monde vivait-on?

- Conseiller Lupus, si vous en avez terminé avec vos bonnes idées, je vous prierai de quitter le Dorthonion avant la fin de la soirée. Un domestique vous montrera votre chambre, si vous désirez vous reposer un peu avant de partir. J'ai été ravi de m'entretenir avec vous!

Des centaines de milliers de soldats allaient attaquer le petit Dorthonion. Vu les distances qui séparaient le royaume de certains vassaux de l'Empire, Oradroth n'avait à craindre aucune attaque sérieuse avant au moins un mois. D'ici deux semaines les troupes de l'Empire seraient là. Il avait encore largement le temps!

Lupus était parti sans même se reposer. Il est vrai que l'entrevue était privée, et l'Impératrice n'en savait rien. Mais tout de même, quel genre d'homme pouvait chevaucher 3 jours pour venir en Dorthonion, et repartir aussitôt sans même se reposer? De plus, son but était juste: empêcher une guerre. Même si Ellianne apprenait que Lupus avait entrepris cette action sans son consentement, elle devrait lui en être reconnaissante si elle l'apprenait. En effet, quoi de meilleur qu'une guerre pour ruiner l'économie d'un pays? Déplacer des centaines de milliers de soldats engendre un coût incroyable!

Les dernières paroles de Lupus raisonnaient encore dans la tête du roi: "Du moins, j'espère que vous, vous périrez rapidement." Mais qui parle de mourir? Toute guerre ne conduit pas forcément à une fin. Et quel imbécile accepterai si aisément la guerre sans avoir auparavant envisagé une position de repli? Lupus prenait Oradroth pour un crétin - soit, c'était son choix. Il ne restait plus qu'à prier les dieux pour que le plan fonctionne. Il y aurait des pertes, c'était sûr, mais il fallait espérer qu'elles restent modérées.

"Car je doute que vous apprécierez le spectacle d'une guerre contre les forces impériales sur vos terres. Si vous vivez, vous verrez la ruine de votre peuple, croyez-moi..." Vraiment? Tout le monde a l'air si affirmatif. Oradroth savait parfaitement que la victoire était impossible. Mais de là à parler de spectacle? Non, il n'aura pas de spectacle. Car personne n'applaudira. La mort sera le seul spectateur.

"J'ai été ravi de faire votre connaissance, en tous cas. Monseigneur..." Pas autant que moi, mon cher Lupus... pas autant que moi - pensa le roi dans un dernier songe.

- Comment ça s'est passé? J'ai vu le Conseiller Lupus qui quittait le Palais; il avait l'air... frustré...

Dorgnath venait d'entrer dans la Salle des Armures. Oradroth lui raconta l'entrevue, et la proposition qu'il avait du refuser. L'ami du roi opina du chef, sans commenter. Un regard du roi en sa direction encouragea Dorgnath à parler.

- Je ne sais pas... Honnêtement, je ne pense pas que ça aurait changer quoique ce soit. A mon avis, ça n'était pas suffisant. Ce n'est pas en envoyant 10 pauvres gamins que ça allait sauver le royaume. De plus, je te connais, si tu avais accepté, tu n'aurais sans doute pas choisis des nobles, mais des enfants que tu connais, et qui pourraient perturber la paix du palais de l'Impératrice. Je me trompe?

- Non, tu as raison. Pendant un instant, ça m'a traversé l'esprit, en effet. On aurait pu lancer des paris sur qui perdrait plus vite patience: Ellianne, ou les otages?

- Je pense qu'Ellianne en aurait eu assez de voir les problèmes que pouvaient faire des gamins dans un palais!

Trêve de plaisanterie. Il y avait encore du travail à faire. Oradroth ordonna d'aller chercher les généraux. Quelques instants plus tard, tous étaient là.

- Où en sont les préparatifs de l'Armée Blanche d'Oltéron?

- Elle sera prête à temps, mon Seigneur - annonça un général.

Alors les yeux d'Oradroth brillèrent d'un nouvel éclat. On va voir qui est le plus malin sur ce coup là! - pensa-t-il. Et les discussions reprirent leur cours - la grande question à présent était de s'assurer que la nourriture ne manquerait pas pour les semaines à venir.

- Mon Seigneur! Réveillez-vous!

Le Maréchal d'Oradroth voulait annoncer la nouvelle à son Roi: les troupes étaient arrivées aux endroits déterminés, comme prévu, au bout d'une semaine. Oradroth ouvrit un oeil, puis l'autre, et s'assit sur son lit.

- Bordel de merde! J'ai l'impression de n'avoir dormi qu'un instant.

- C'est effectivement le cas, mon Seigneur. Vous vous êtes couchés il y a peu. Je suis désolé de vous réveiller déjà, mais les Armées ont pris positions.

- Très bien, laissez-moi quelques instants, j'arrive... - le souverain du Dorthonion bailla à s'en décrocher la mâchoire.

Quelques administrateurs, messagers et militaires étaient rassemblés dans la Salle des Armes, au Palais Royal. Assis, ils attendaient l'arrivée d'Oradroth. Les portes de la salle s'ouvrirent, et le roi entra, en tirant une mine épouvantable. Il parcourut l'assemblée d'un regard noir, fit le tour de la table et prit place lui aussi. Alors les autres s'assirent à leur tour, s'étant tous levés dès que le Roi était arrivé.

La discussion dura toute la matinée. Au final, la situation pouvait se résumer ainsi:

L'Armée du Lac, qui compte 10.000 hommes en tout (soldats, mages, archers, unités volantes, cavaliers et chevaliers confondus), normalement stationnée à Val'Kilion, s'était rassemblée à Forkanos. Les deux corps de l'armée, le premier parti de Val'Kilion, l'autre de la capitale, avaient pris leur position, s'additionnant à la garnison de la ville, qui compte 3.000 hommes.
Forkanos, véritable citadelle, était en branle. Partout les hommes couraient, voulant à tout prix être prêts avant l'arrivée des troupes de l'Empire. Les archers s'étaient positionnés sur les murailles; la Cavalerie, elle, attendait à l'arrière de la ville, pouvant mener une charge défensive en cas de nécessité; et les soldats étaient dans la citadelle, prêts à la défendre. Quelques poternes discrètes ici et là permettaient de quitter la ville sans se faire repérer par l'ennemi, si les choses tournaient mal. Les canons à nytro (une invention assez récente qui consiste à faire exploser une petite dose de nytro qui envoie un boulet à grande vitesse - les premiers tests ont été très concluants) avaient été orientés vers l'Est, pour accueillir l'ennemi comme il se doit. La citadelle disposait également de quelques trébuchets, pouvant envoyer des projectiles bien plus loin. Les mages, quant à eux, tissaient des toiles de protection au-dessus de la ville, pour la protéger au maximum des sorts ennemis.

L'Armée Royale, totalisant 10.000 unités, avait été envoyée au Nord, à Terolis, pour soutenir la garnison de la ville. 12.500 hommes étaient donc rassemblés ici, attendant la bataille de pied ferme.
Ville-Citadelle également, les dispositions prises avaient été plus ou moins les mêmes que pour Forkanos. La garnison de Tek'Lor était arrivée ici il y a 4 jours, comptant 500 hommes. Terolis allait donc être défendue par 13.000 unités.

L'Armée Blanche d'Olteron (5.000 hommes), avait pris position entre Asta et Olmath, à 3 jours de Gor'Cogrod. Quant à la Légion (5.000 hommes également), elle se trouvait actuellement à Béalor, ville située entre Val'Kilion et Forkanos. Ces deux armées pouvaient porter secours à l'une des deux villes, en cas de besoin. Ou se replier rapidement vers la Capitale, si l'Armée du Lac et la Royale avaient été décimées.

Ainsi, Tek'Lor, l'un des poumons économiques du Dorthonion, avait été abandonnée à son sort. Le royaume n'avait pas les moyens de défendre cette cité, tout comme Dalvénor, également située sur la frontière.

- Bien! Très bien, même! Maréchal, vous partez immédiatement pour Forkanos. Assurez-vous de vous tenir informé de la situation à Terolis.

Les deux villes étaient situées à une journée de vol de Griffon l'une de l'autre. Tous les messagers du Royaume avaient le leur. Il n'y avait pas plus rapide dans le ciel que cette créature splendide et mystique en même temps.

Dorgnath salua Oradroth, et partit sur le champ. Cependant, le roi l'interpella.

- Tâche de rester en vie, mon ami.

- Fais-en autant!

Rares étaient les moments où Dorgnath osait tutoyer son Roi. Mais parfois, il fallait savoir envoyer le code au diable.

Sur son chemin, le Maréchal croisa un lieutenant, préposé à la grande évacuation, et les deux soldats se saluèrent rapidement. Le lieutenant entra dans la salle, où se trouvait toujours Oradroth.

- Ah! Vous voilà! Eh bien, dites-moi où ça en est.

- Tout de suite, mon Seigneur!


[HRP: Pour en savoir plus sur les informations dont dispose ce lieutenant, dirigez-vous ici]