L'Impératrice était restée impassible devant les turpitudes des envoyées d'Ombre, plus lassée qu'autre chose. Voilà longtemps qu'elle avait abandonné tout espoir de réguler sa belle-sœur, ou même, dans une moindre mesure et avec une moindre tolérance mais avec une réalité bien tangible, malheureusement, ceux qui étaient à son service. Elle avait sa propre folie, qui éclatait parfois, mais pas de cette sorte là, et plus aussi ambiante, maintenant. C'était à croire que l'anarchie avait posée sa marque sur les sbires de la Drow, et sur l'Elfe Noire elle-même, bien entendu, à moins que quelque Dieu complètement fou n'y fut pour quelque chose. Elle n'en savait rien et, au fond, si l'on regardait la vérité en face, ne s'en souciait guère. Un jour l'un d'entre eux l'énerverait et irait trop loin, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui elle était seulement lasse, lasse de toutes ces foutaises, lasses de la guerre qu'elle venait de traverser, et des nouvelles que lui apportait l'autre guerre, plus grande et plus vaste malgré ses enjeux d'un tout autre niveau, qu'elle avait elle-même déclenchée.
Presque désabusé de voir que même cette fois et sans leur Dame ils ne s'amélioreraient pas le moins du monde, elle laissa même son contrôle se relâcher, de légers soupirs lassés s'échappant de ses douces lèvres. Ses yeux rouges suivirent sans passion le foutoir que mettaient les quelques sbires d'Ombre, ne tressaillant même pas quand certains virent se coller au mur, juste au-dessus d'elle. Ceux-ci ne portaient pas la moindre trace de coup, pas plus que la porte d'ailleurs, l'ensemble de la Salle du Trône étant tissé de puissants sortilèges protecteurs, en plus de sa construction de première qualité, la rendant presque indestructible, à moins d'une puissante magie, agissant probablement à l'usure ou du moins en plusieurs assauts, ou d'un pilonnage prolongée avec des machines de sièges de belle taille. Le mur du couloir, moins baigné de sorts, subit bel et bien un impact, qui serait vite réparé. S'ils n'avaient été les envoyés d'Ombre, elle les aurait tous fait mettre au trou quelques semaines, ou quelques mois... quelques années, au plus, vraiment. En en « raccourcissant » quelques-uns au passage, sans doute. Mais, pas affection pour sa demi-sœur, elle laissa une fois encore passer la vague de stupidité qui entouraient les siens comme un nuage agaçant, attendant qu'ils aient fini de faire les pitres avec calme et lassitude.
Bien entendu, les événements tournant toujours au ridicule, les deux zouaves collés au mur par la force du choc se détachèrent pour lui tomber pile dessus. D'un geste irrité, elle relâcha l'énergie magique accumulée depuis le début pour contrer un éventuel assaut malencontreux, renforcé par l'aura de la Salle du Trône et par la magie de sa Couronne, qui vint percuter le duo en un éclair. Celui-ci frappa l'étranger, non le Garde, et tel était l'art d'Ellianne d'Eternia que ce fut également l'étranger qui retomba contre le sol, le Garde tombant sur lui, et étant rapidement évacué par deux de ses pairs, pour rejoindre le groupe qui se dirigeait vers le lieu le plus proche normalement doté d'un Guérisseur, pour être soignés, sauf pour les cas les plus graves, une fois que la crise serait passé et que les soigneurs impériaux ne seraient plus uniquement affectés aux victimes des attentats et aux autres blessés graves se présentant. Une fois que tout ce petit monde fut sortit, Ellianne reporta ses yeux rouges et las vers le porte-parole de cette bande de macaques apprivoisés.
« Tout d'abord, je vous remercie des nouvelles que vous m'apportez sur l'Archiduchesse. Mon cœur se réchauffe en vérité de savoir qu'elle va recevoir les soins les plus appropriés et qu'elle est en sécurité. »
Ce qui était la plus pure vérité, d'ailleurs. Elle aimait Ombre, malgré tous ses défauts. Un fait qui leur était d'ailleurs fort profitable, car sans lui ils auraient été morts ou chargés de chaînes, au choix. Au lieu de quoi l'Impératrice poursuivit d'un ton qui avait retrouvé sa neutralité, presque morne.
« Quant à votre problème... Puisque ce sont les cités de notre bien-aimée Archiduchesse Ombre, je vais voir ce que je peux faire, mais il faut que vous sachez que nous sommes en guerre. De combien d'hommes aurez vous besoin au total pour reconquérir et ensuite garder ces deux cités jusqu'à ce que vous puissiez les défendre par vous-mêmes ? »
Si quelqu'un d'autre qui n'avait que si pauvrement participé à l'effort de guerre lui avait fait la même demande en ces heures de conflit, elle lui aurait probablement alloué seulement une aide symbolique, en le redirigeant vers une autre source d'hommes si la situation était vraiment urgente et critique, comme le Grand-Duché de l'Est, qui était sien et d'où elle aurait probablement pu dépêcher des hommes, ce qu'elle ferait d'ailleurs si le nombre demandé se révélait trop important. Mais puisqu'il s'agissait d'Ombre, elle voulait bien faire un effort, et détacher une ou deux colonnes d'impériaux... tout dépendant bien entendu de combien ils en auraient besoin...