Dans tout l'Empire, et bien au-delà de ses frontières, on ne trouvait pas plus pragmatiques que les Gardes Impériaux d'Etemenorkia. Certes, il y avait presque autant de types de gardes que de compagnie de cette même Garde, mais les gardiens de la Capitale n'étaient pas tous morts durant la guerre, et les décennies du règne d'Amras étaient bien loin d'être oubliées ou effacées, ce qui n'avait d'ailleurs jamais été l'intention d'Ellianne. L'Empereur précédent – le seul de l'histoire connue, en fait – ainsi que le Gouverneur Gorath, avaient laissé la corruption se répandre de manière contrôlée parmi les militaires gardiens de la paix et de la sécurité dans la plus puissante cité du monde connu, à l'image de ce qu'ils avaient toujours développés dans les alliances qu'ils géraient, particulièrement pour celle du Semi-Orque. Certains des plus anciens étaient même des Daknan'gra installés là par le Gouverneur lors de son arrivée au pouvoir, ou même plus tard, et donc les êtres mêlant le plus subtilement loyauté et corruption, que l'Impératrice avait su s'attacher comme les autres lors de sa venue au pouvoir. Cela avait été très simple, d'ailleurs, il avait suffit de leur montrer que, contrairement à la Blanche Alliance qui avait restauré l'ordre en ville, elle userait d'une politique similaire à celle du Fourbe lui-même. Et de laisser en place certains cadres précis, qui avaient avec eux leurs petites affaires toutes aussi précises...
Cela, et l'or, bien sûr. Mais les Daknan'gra étaient bien plus complexes que de simples corrompus avides d'or. Ils en étaient bien loin, même, et quelques preuves de confiances et de bonne réputation avaient été nécessaire en plus du reste. Toutefois, Ellianne les avait fournies avec brio au cours de ces deux années passées au pouvoir. L'une des raisons était l'influence subtile que les anciens membres de cette guilde venue d'autres terres pour changer de façon profonde et délicate celle sur laquelle régnait maintenant la belle jeune femme sur le reste de la Garde servant dans la cité qui était la cœur d'Eternia, et d'Orkandia au part avant, et ce depuis plus de deux siècles. Ils infusaient cet équilibre subtil chez leurs pairs, comme leurs confrères « civils » aidaient à entretenir la dépravation qui devait être née également deux cents ans plus tôt, avec les premiers habitants de la Capitale du continent, et qui faisait partie intégrante, aux yeux de l'Impératrice en tous cas, d'Etemenorkia la Fière, à la fois séjour des plus nobles et repaire des plus dépravés... les deux catégories n'étant pas toujours différentes l'une de l'autre. Ellianne elle-même, sous son image coutumière de pureté, n'était pas exempte de soit-disant « défauts » de ce genre. Sa mère avait subit bien des choses, mais elle ne lui en avait pas tant appris. Calarenne, Nabuchodonosor, certains des Seigneurs les plus noirs de la Guilde du Phénix, tel Virsatus Malystaria le Vampire, et bien d'autres encore, dont Medar depuis qu'il était enfin revenu, s'en étaient chargés à sa place...
Tout cela expliquait fort bien l'attitude des Gardes Impériaux chargés de surveiller l'Arsenal. Ils avaient empochés l'or de ces inconnus qui voulaient « emprunter » quelques barils de nitroglycérine sans sourcilier, toujours prêt à faire quelques bénéfices, bien que la paye des soldats d'élite de l'Empire soit supérieure à celle de l'immense majorité des militaires du continent. Pourtant, à peine deux jours plus tard, ils signalaient au petit matin le vol nocturne de toute la nitroglycérine « empruntée », en fournissant tout un luxe de détails accréditant de leur parfaite innocence. Le Sergent eut également droit à quelques pièces au passage pour faire glisser l'histoire, comme il convenait. Ainsi fonctionnaient les choses depuis le début de cet Empire, et aussi sous l'Empire précédent. Il fallait bien que tout le monde y trouve son compte, au final. Ledit Sergent avait constaté le vol, et une enquête avait été ouverte, car c'était un produit des plus dangereux dont il était question, surtout que la quantité dont on parlait là était loin d'être anodine. C'étaient des choses qui arrivaient, et des procédures étaient prévues. Le Palais fut avertit, et sur l'heure la machine fut mise en branle, car la question était des plus sérieuses, déclenchant toute une série de mécanismes distincts et complémentaires les uns par rapport aux autres dans l'immense ville aux multiples rouages et engrenages, tous maintenu bien huilés par le pouvoir en place comme ils l'avaient été par les deux autres avant lui, car c'était là un aspect important du gouvernement du continent.
Les agents secrets affectés à l'intérieur de la ville et considérés comme des membres spéciaux de la Garde, avec l'entraînement qui allait de paire, se mirent donc sur la piste en partant de l'Arsenal... Pour découvrir des barils de nitroglycérine juste en-dessous du bâtiment. La menace d'attentat fut donc confirmée et transmise au Palais, alors que la piste était suivie avec plus d'ardeur encore. Pour ce genre de cas, une division spéciale composée de Fantômes et de Spectres était spécialement prévue. Silencieux comme les ombres d'outre-tombe qu'ils étaient tous, ils remontèrent la trace des barils, se glissant dans les tunnels situés sous la cité, cherchant et traquant ceux qui étaient à l'origine de tout cela, insubstantiels et éthérés, invisibles dans les ombres qui tapissaient les sous-terrains... Mais la confirmation des attentats avait eut un écho dans le Palais. La procédure mise en branle par le vol de la nitroglycérine avait été accélérée et complétée. Tout l'édifice avait été fouillé par la Garde du Palais elle-même, puis tous les sous-sols si trouvent en-dessous du Palais ou à proximité... de façon fructueuse. Sous l'aile même comprenant la Salle du Trône, une charge importante fut découverte, évacuée, et remplacée par des tonneaux pleins d'eau, tout comme l'avaient été ceux de l'Arsenal, alors que des guetteurs invisibles étaient placés dans la salle et à certains points de passages clés y donnant accès, au cas où les ennemis reviendraient sur le lieu en question, ne fut-ce que pour déclencher leur opération.
Discrètes, les autres recherches continuaient avec assiduité, dans l'ensemble des sous-sols de la Capitale, pour trouver le reste de la nitroglycérine ainsi que ceux qui l'avait volée et placée à ces endroits stratégiques, visiblement animés des pires intentions...