Empire d'Eternia

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    [Flash back] Attrape-moi si tu peux [Medar]

    Svanhilde Luaruneclavra
    Svanhilde Luaruneclavra


    Messages : 13
    Date d'inscription : 03/06/2011

    [Flash back] Attrape-moi si tu peux [Medar] Empty [Flash back] Attrape-moi si tu peux [Medar]

    Message par Svanhilde Luaruneclavra Dim 25 Sep - 18:07

    * Début ici *

    Des jours étaient passés. Des mois. Des années même. Qu’est-ce que 6 ans dans la vie d’une Drow ? Rien. Un grain de sable dans le sablier de l’éternité. Une goutte d’eau dans l’océan de la vie qui coule et coule encore aux marges du temps.
    J’étais la femme du Seigneur de l’Empire de la rose aux 6 pétales, mais je ne m’y plaisais pas. J’avais soif de liberté. Soif de m’enfuir. Soif de retourner à une vie que j’aurais choisie et non que l’on m’aurait imposée.
    Pourtant, si j’avais bien voulu le voir et non rester campée sur mon idée que l’on m’avait vendue, que j’étais prisonnière de ce palais et enchaînée à un homme que je refuse de tout mon être, je me serais aperçue que je jouissais de ce dont tout le monde aurait pu rêver. Medar ne m’avait jamais touché. Et la seul fois ou il avait esquissé un geste vers moi j’avais essayé de lui briser la main… Je n’avais qu’à demander pour obtenir ce que je souhaitais, mais je ne demandais rien. Jamais. Je ne voulais rien de cet endroit. Rien de mon mari. Rien de ses gens. Rien de son peuple qui se voulait être à présent également le mien… Je pouvais aller et venir à ma volonté dans le palais, mais je restais généralement sur le balcon de ma chambre à regarder les grandes portes à l’horizon de la cité… Ces portes que je rêvais de franchir sans me retourner.
    J’avais cette sensation désagréable de n’être qu’un trophée fièrement exposé lors des cérémonies et autres évènements à la Cour… Je ne me sentais pas à ma place parée des plus belles robes et des plus beaux bijoux. Ça ne me plaisait pas… Les seules fois où j’avais montré un tout petit peu d’intérêt à quelque chose, ce fut un jour où Medar était en conseil de guerre à élaborer une stratégie d’attaque sur lequel il avait planché avec ses hommes pendants des jours, ce qui m’avait valu quelques nuits seule sans lui. Curieuse, lors de leur pause j’étais entrée dans cette pièce où cartes et figurines étaient exposées dans le but d’asservir l’ennemi. J’avais regardé. Etudié. Les idées étaient venues en grand nombre dans ma tête. Les évidences s’étaient succédées et finalement, quitte à me faire gronder pour avoir touché à leur dessein, j’avais bougé les soldats sur la carte, intervertissant archers et sorciers ou autres modifications. Puis je m’étais éclipsée… Je ne sais pas si Medar a deviné ce jour là que c’étais moi qui était derrière tout ça… Si c’est le cas, il n’en a jamais rien dit.
    Une autre fois, il discutait avec ses hommes de main et alors que je passais près de la salle de réunion, il m’avait arrêté pour me demander mon opinion. J’avais hésité à lui cracher au visage de se débrouiller sans moi et que je me moquais de ses soucis, mais je m’étais au lieu de ça retrouvée à côté de lui à étudier un document avec intérêt avant de dire mon avis sans la moindre gêne face à ses conseillers estomaqués.
    Voilà ce que j’aimais. L’action. La réflexion. La stratégie militaire. Gagner et conquérir de nouvelles terres. Plancher sur des cartes et des papiers avant de sentir l’adrénaline monter au cœur face à la préparation d’un combat ! Auquel je n’avais encore jamais eu le droit d’aller… J’avais regardé les hommes partir une fois en les enviant. J’avais posé mes yeux sur ma robe de velours argenté et l’avais déchirée avant d’aller enfiler des vêtements d’homme et de descendre dans la cour suivre l’entrainement de soldats en formation. J’avais écrasé tout le monde avec une facilité déconcertante puis était remontée rageuse me plonger dans un bain chaud afin de me délasser en ne cessant de me répéter que je valais bien n’importe quel guerrier de mon mari !

    Dans les réceptions, on me regardait. On m’admirait. On chuchotait en me jetant des œillades curieuses ou équivoques quant aux désirs des hommes et à l’envie jalouse des femmes… Je n’y prêtais pas attention. Mais cela me pesait.
    Je ne dansais jamais moi qui pourtant aimais tant ça. Je mangeais peu. Je me contentais de regarder et d’observer. Les maîtresses de Medar me lançaient souvent des regards lourds de sous entendus. Mais jamais je ne baissais les yeux. Savaient-elles que nous ne couchions pas ensemble, je ne saurais trop le dire. Mais leur aversion pour moi était évidente. Peut-être avaient elles conscience du danger que je pourrais représenter pour elle une fois que lui et moi nous serions trouvés…
    Medar lui demeurait égal à lui-même. Et quand il ne posait pas ses yeux sur moi, je me surprenais à le regarder sans pouvoir m’en détacher. Il avait un charisme et une beauté évidente qui agissait comme un effet magnétique sur moi. Mon cœur parfois manquait quelques battements mais je me disais que c’était mon aversion pour lui qui se manifestait. En revanche en ce qui concernait mes doigts qui se crispaient sur les accoudoirs à en blanchir mes phalanges lorsque je voyais une femme l’approcher ou lui la regarder, je ne savais pas encore trop comment le définir. Probablement que j’étais agacée de devoir sauver les apparences en dormant avec lui quand lui avait le droit de compter fleurette en ma présence à d’autres !

    Ce soir là, je m’étais décidée à partir quoi qu’il m’en coûte. Alors, lentement au file des semaines, je m’étais faite plus douce. Moins sauvage. Moins cinglante également lorsque Medar me parlait et que je lui répondais. Je m’étais mise à vivre. Vraiment vivre dans le palais. Je sollicitais les domestiques, j’aidais Medar dans ses complots. Je souriais mais intérieurement je pensais que tous ne perdaient rien pour attendre. Je m’étais ouverte et avais commencé à devenir celle que j’aurais pu être pleinement si ma volonté à partir ne m’avait pas aveuglée.
    J’étais tellement obsédée par ce plan d’évasion, par cette envie, ce besoin de m’enfuir, que je ne voyais pas que ce que je prenais pour de la comédie était en fait du réel. Pour moi, je faisais semblant d’être heureuse, quand je l’étais. Semblant de m’ouvrir et d’apprécier Medar quand une complicité évidente s’insinuait pourtant entre nous. Je simulais mon affection pour ce peuple et ces gens, quand en fait je m’y attachais vraiment. Je prétendais accepter mon rôle d’impératrice, quand en réalité je l’étais tout naturellement… Mais ça, tout ça, je ne le voyais pas. Je ne le comprenais pas. Dans ma tête, tout n’était que faux et mensonges ! Ruse pour endormir la vigilance de tout le monde…

    Au bout de quelques semaines de patience, une nuit lors d’une réception je prétendis une lassitude et monta dans mes appartements. Je congédiai alors ma servante et m’empressai de retirer mes vêtements d’apparat afin de revêtir une tenue de voyageur. Je troquai satin et dentelles pour cuire et coton, puis attrapai une cape en laine dissimulée sous mon lit que je drapai sur moi avant de me faufiler jusqu’au balcon de la chambre du bout du couloir qui avait un accès plus facile pour descendre dans la cour arrière du palais où se trouvaient les écuries.
    Furtive, hagarde, telle une ombre, je glissai donc à l’intérieur de cette pièce sombre et observai la hauteur. Mieux valait ne pas se rater… Sans peur, j’enjambai la balustrade et sautai pour me rattraper à un immense arbre de plusieurs dizaines de mètres de haut et descendis tout en souplesse et en discrétion. Mes pieds claquèrent à peine le sol tant je retombai sur eux en légèreté… Encapuchonnée, j’observai les alentours et ne voyant personne, je me mis à courir jusqu’aux écuries. A pas de loup je m’approchai du veilleur et d’un mouvement sec et efficace, le fit s’écrouler au sol, inconscient. Il en alla de même pour les palefreniers présents, puis en hâte je sellai un des chevaux de Medar, aussi noir que la nuit pour mieux m’y fondre avec plus d’aisance. Je le pris ensuite par la bride, mais ses sabots raisonnèrent sur le sol de pierre. Mes lèvres se pincèrent et je l’arrêtai pour réfléchir. Si je sortais ainsi avec lui, on m’entendrait…
    Alors, je volai quelques chiffons de soins aux palefreniers et les nouai autour des sabots de ma monture. Chose faite, le claquement des fers étouffé par le tissu, je me hissai sur le dos de l’animal et doucement, sans précipitation malgré mon impatience, la guidai jusqu’aux portes du château où je du tuer les gardiens qui reconnurent un des chevaux de leur maître, de la petite arbalète fixée à mon gantelet…

    Les portes franchies, je lançais mon cheval au grand galop dans les rues de la ville sans prendre garde à qui je pourrais bien renverser à une telle vitesse, ne comptant plus que ma liberté si proche. Je me couchai presque sur l’encolure de l’animal pour aller plus vite encore. Le vent cinglait mon visage et mon cœur battait à tout rompre en moi.
    Enfin, l’arche de l’entrée de la ville de la capitale de l’Empire fut passée. Je ne m’arrêtai pas, au contraire, j’accélérai l’allure. Medar ne tarderait pas à s’apercevoir que je n’étais plus dans notre chambre et enverrait probablement ses hommes à ma poursuite. Hors, je ne voulais pas qu’ils me retrouvent !
    Les pieds du cheval martelaient le sol avec puissance. J’avais l’impression de voler. La sensation était grisante. L’adrénaline à son comble. Je ne me retournai pas pour regarder ce que je laissais derrière moi. Pour moi, mon avenir était droit devant ! Il m’avait échappé un temps, mais je comptais bien le rattraper !
    Medar
    Medar


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    [Flash back] Attrape-moi si tu peux [Medar] Empty Re: [Flash back] Attrape-moi si tu peux [Medar]

    Message par Medar Lun 26 Sep - 2:04

    Les jours, les mois, les années... Un découpage des mortels sur le temps qui passait, arbitraire et sans réelle valeur. Il était trompeur pour eux, et presque risible pour lui, pour qui ce découpage abstrait avait depuis longtemps perdu son sens profond. Il était si vieux, son regard se portait sur de telles distances temporelles, que le temps lui-même en perdait presque le sens qu'il pouvait avoir. L’existence des Elfes Noirs qu'il côtoyait à présent n'était que poussière balayée par les vents pour lui, aussi brève pour lui que ne l'était pour eux l’existence d'un animal éphémère. Et la plupart d'entre-eux n'avaient pas plus d'importance que les autres animaux : il les utilisait dans le dessein qu'il poursuivait, un dessein qu'ils ne pourraient jamais comprendre ou appréhender. Même lui n'en voyait pas tous les aboutissements, mais il le dessinait lentement, infléchissant le destin des mondes et de celui-ci, peu à peu, touche après touche. On pouvait voir les grandes choses qu'il accomplissait, on pouvait les retrouver facilement dans la trame du temps. Mais il y en avait aussi tant d'autres, tant de petites touches qu'on ne remarquait mais qui finissaient par avoir plus d'importances encore dans l'histoire, grande ou petite, à l'échelle d'un monde, d'une partie d'un monde, de plusieurs mondes, ou de tous les mondes à la fois...

    Une telle œuvre passée, et encore à venir... Il sentait un accomplissement, bientôt, une étape importante. Un repos promis après cela. « Bientôt » était relatif pour lui, mais cela ne l'empêchait pas de se réjouir. Il ne savait pas que des événements puissants l'attendaient encore, des événements qui éveilleraient en lui des sentiments depuis longtemps enfuis, si pas jamais ressenti... Il ne savait pas plus que Svanhilde serait le pivot de l'un d'entre-eux, il ne pouvait le savoir. Il pouvait l'observer telle qu'elle était maintenant, par contre. Il pouvait voir ce qui se tissait en elle, les choses qu'elle acceptait et celles qu'elle refusait de voir. Il savait mieux que personne autour de lui faire ce genre de choses. Certes les Elfes Noirs étaient retors, rusés et intelligents, mais ils n'avaient pas vu autant qu'il avait vu, ne connaissaient pas autant de facette de la psyché mortelle que lui, seulement celles qu'ils manifestaient eux-mêmes et que montraient leurs esclaves. Il leur manquait aussi la profondeur de l'expérience : ils voyaient de façon trop courte, ne connaissait la réalité que de façon trop immédiate. Ils n'étaient pas habitués à voir les méandres d'un dessein plus vaste et plus complexe qu'aucune chose de leur monde, comment auraient-ils pu véritablement savoir décoder les motifs qui monde qui les entourait de toute part et de l'âme de leurs contemporains... ou la leur propre, d'ailleurs, car l'âme de chacun était toujours ce qui lui était le plus obscur...

    Svanhilde était un bon exemple, en se domaine. Elle se voilait continuellement la face, luttait obstinément pour s'empêcher de reconnaître sa vérité intérieure. Elle bataillait fermement pour imposer son illusion comme la réalité dans son propre esprit, en des efforts qui, il le savait, finiraient par être vains. Tôt ou tard, la vérité viendrait, de gré ou de force. Cela arrivait toujours dans la vie d'un ou d'une mortelle, quand ils posaient de tels voiles sur sa réalité. S'il n'avait pas été là, Svanhilde aurait bien pu se montrer assez têtue pour ne s'en apercevoir que bien trop tard, une fois qu'elle aurait perdu ce qu'elle se persuadait qu'elle n'avait jamais voulu avoir. Mais il était là, il voyait, et il agissait lentement, avec sa subtilité naturelle, tentant de lui ouvrir peu à peu les yeux. Et si elle résistait encore, la transition serait plus rude, plus cassante. Elle résistait, d'ailleurs, elle était obstinée. Il l'avait doucement introduite dans des situations réelles, l'avait laissée avoir un regard sur la stratégie, sur la gestion de son pouvoir et de son Empire encore modeste. Il avait sentit qu'elle aimait ça, qu'elle s'y sentait vraiment vivante, mais elle ne s'était pourtant pas laissée impliquée à fond dedans, pas entre les épisodes : elle rétablissait toujours une distance entre elle et lui, entre elle et son monde, entre elle et tout ce qu'il avait à offrir, ce qui était déjà sien en un sens.

    La belle avait été brillante, pourtant. Elle avait en cachette modifié des données stratégiques, avait donné et soutenu ses avis dans certains discussion. Elle avait aussi été défié ses hommes à l'entraînement, une fois, et les avaient écrasés. Mais elle ne voulait pas voir qu'elle aurait pu se glisser totalement là-dedans, dans la politique et les armes, elle ne voulait pas l'admettre. Ces derniers temps, elle avait semblé s'ouvrir un peu plus, mais il n'était pas aveugle. Il voyait facilement les motifs, et elle il l'observait avec attention. Il se doutait qu'elle préparait quelque chose et essayait de l'endormir, mais c'était vain. Il n'accordait pas facilement sa confiance, se laissant aller très rarement à de telles choses, et même alors il ne relâchait jamais sa vigilance, ne fut-ce que parce qu'il y avait de nombreux autres éléments à prendre en compte dans l'histoire. Il gardait toujours un œil sur elle, et il ne le fit que plus belle. Il était content de la voir s'investir, tout en voyant cette distance qu'elle imposait entre elle et les choses, la restaurant dès qu'elle la voyait s'amenuiser. Et il savait que la base de cette distance devrait soit être abolie, soit être sapée peu à peu, à moins que ce ne fut un mélange des deux. Et il comptait bien accomplir cela, dans l'intérêt de Svanhilde autant que dans le sien.

    Il savait que de nombreuses jalousies se tissaient autour d'elle, notamment de la part de ses maîtresses, mais sa main était toujours là, qui la protégeait. Quiconque lui ferait du mal le regretterait pendant plusieurs vies de souffrance, et il était inutile d'espérer la voir perdre sa faveur, peu importe les rumeurs ou même les faits. Il avait bien fait en sorte que cela soit très clair, gravé dans les pensées de son entourage. Nul ne savait qu'ils ne couchaient pas ensemble, et aucun, ou presque peut-être, ne le soupçonnait au vue de cette protection qu'il étendait sur elle. Avoir des maîtresses n'était pas rare pour les nobles importants et mariés dans la société Elfe Noire d'alors, si belle que fut l'épouse concernée, qui elle était fidèle ou pas, selon les cas et les tempéraments des deux époux. Une fois que Svanhilde et lui feraient autre chose que dormir, dans le lit conjugal, il ne savait pas s'il conserverait cette habitude ou pas, mais pour l'heure, en tous cas, elle était bien pratique. Ces femmes qui croyaient avoir une quelconque emprise sur lui n'était pour lui que de simples jouets sexuels, des réceptacles de son plaisir, et rien de plus. Aucune, si douée soit-elle, n'avait d'intérêt plus que superficiel à ses yeux : si elle disparaissait,il en essayerait d'autres, jusqu'à en retrouver une qui lui conviendrait, et voilà tout. Svanhilde était bien plus importante...

    Plus importante que les convenances, aussi. Pour preuve, il n'hésita pas à s'éclipser de sa propre soirée quand il reçu le signal, la laissant entre d'autres mains et ordonnant qu'elle se poursuivit. Il arrivait parfois qu'il le fasse, et il n'était même pas étonnant qu'il aille aux écuries ensuite. Beaucoup savaient, ou croyaient savoir, l'importance qu'avait son Cheval à ses yeux. Comment auraient-ils pu savoir, les fous, ce qu'il était, ou sa véritable importance, ce qu'ils avaient traversés ensemble et étaient l'un à l'autre. Eux qui l'avaient jamais vu les étoiles où reposait sa lignée, comment auraient-ils pu comprendre, alors que les peuples sous le ciel ne le faisaient même pas ? Mais en tous cas nul ne s'étonna cette fois, et ce fut le plus important. Shuruga, son Cheval, un Cheval Spectral, et l'un des Quatre, une « bête » impossible à comparer à celles des Elfes Noirs, et qui fascinait, suscitant l'admiration et un peu de peur. Comment auraient-ils pu savoir, deviner même ce qu'il était, ce qu'il valait. Il était issu de l'Étalon Immortel, Volgesmondre, que son épée et celle de son jumeau avaient placé à jamais dans ce qui n'était ni vie, ni mort, ni sommeil, en la demeure de sa sœur. Un des membres aînés de sa race, et celui qui avait le plus galopé sur les mondes, ou dans ceux-ci, comme c'était le cas présentement, sous la surface de cette terre...

    Son fidèle compagnon avait vu Svanhilde partir, n'avait rien dit. Avait juste envoyé un signal dans l'âme même de son Cavalier, d'une façon qui ne tenait pas de la Magie telle que les mortels et les immortels la comprenait. Et il était venu. Sa femme avait prit un des chevaux présents avec le sien, des bêtes d'exceptions elles aussi, à une échelle plus raisonnable bien sûr. Et elle était partie. Il l'avait envisagé, c'était une des solutions. En silence, il secoua la tête, et monta sur son cheval, donnant en sortant des ordres stricts. Laissé la soirée se finir, dire qu'il était parti avec sa femme. Prendre les mesures qu'il faudrait pour les morts et blessés. Et puis il partit sur sa piste. Shuruga connaissait l'odeur de tous les chevaux présents avec lui, cela ne lui posa aucun problème de suivre celle de l'étalon prit par la belle. Il n'eut même pas à user de la magie. Il la suivit hors de la ville, les portes s'ouvrant sans peine devant lui, donnant des ordres à propos des cadavres croisés sur sa route. Pour des Drows, ce n'était rien, juste quelques morts. Dans cette société bien précise, ce genre de détails n'avait aucune importance, c'était là une chose quotidienne, familière, tout à fait normale. Les gardes se faisaient tuer, comme les autres gens, et cela n'avait jamais choqué personne, ni ému quelques d'autres que les proches des concernés, et encore, de façon parfois bien inattendue...

    Il ne lui fallu pas longtemps pour la rattraper, l’apercevant au loin avec l'excellent vision des Elfes Noirs. Il était entouré d'une bulle de magie indécelable, qui le rendait lui-même indécelable, lui aussi. Impossible à percevoir par la vue ou même la mage et la pensée. Il aurait pu galoper plus vite que son cheval et la rattraper totalement, mais il avait comme une impression de danger, et choisi d'attendre pour voir, préférant être invisible et pouvoir déjouer le problème. Et puis, il était curieux de voir et d'observer Svanhilde, maintenant qu'elle était « libre ». D'un sort, il améliora vue et ouïe, pour mieux percevoir cette beauté qui était sa femme sans vouloir l'être vraiment...
    Svanhilde Luaruneclavra
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    Message par Svanhilde Luaruneclavra Lun 26 Sep - 17:33

    Je galopai à bride abattue. Voulant aller toujours plus vite, toujours plus loin. Je fuyais ce que je prenais pour une prison dorée. Fuyais une vie que je refusais quand elle aurait pu m’apporter tout ce que j’avais toujours désiré. Mais la jeunesse et mon esprit rebelle m’aveuglaient. M’empêchaient de voir et de comprendre tout ça. Je m’étais braquée contre Medar dès que j’avais été promise à lui. Et depuis, je n’avais cessé de le faire. J’avais été réfractaire à tout ce qu’il avait voulu m’offrir et m’apprendre. Je m’étais condamnée moi-même à être malheureuse à me persuader que dans ce palais, mariée à cet homme, je ne pourrai jamais être heureuse.

    J’en ai conscience aujourd’hui. Mais à cette époque… Je ne me doutais pas…

    La capuche de ma cape était soufflée par le vent et ne couvrait même plus mes longs cheveux d’argent qui flottaient à ma suite aussi fluides que de l’eau. J’aurais du y faire attention, mais très franchement j’avais autre chose en tête. Ma seule idée fixe était de faire un pas de plus. Toujours un pas de plus pour m’éloigner de ce royaume. Je filai à toute allure, survolant le sol comme le zéphyr survole les nuages, ne laissant derrière moi qu’une traînée opaque de poussière soulevée par les sabots puissants de ma monture. Les arbres défilaient de part à d’autre de moi à une vitesse affolante, perdant leurs formes pour ne devenir qu’un aimât sombre et feuillu. Mon cheval et moi avalions la route à coups de grandes foulées, sans jamais ralentir, portés par mon cœur encore si sauvage. Pratiquement allongée sur lui, je pouvais entendre le souffle de l’animal sous moi et sentir la force de ses muscles tendus à souhait afin de donner leur maximum dans l’effort que j’exigeai pour ne pas ralentir la cadence.

    Au bout de longues et interminables minutes de galopade effrénée, je fis repasser ma monture au trot, puis une fois son souffle cardiaque un peu plus calme, au pas. Je connaissais et aimais les chevaux. Et je n’avais pas envie que celui-ci à qui je devais ma liberté ne meurt d’un coup de sang ou d’une crise cardiaque à cause de notre folle cavalcade.
    Lentement, je le dirigeai vers le sommet d’une route et l’arrêtait pour observer la petite ville portuaire en contrebas, où des marchands faisaient leurs trocs de marchandises et autres affaires. Son souffle était bruyant et rapide, sa robe noire luisante de sueur et écumeuse, mais je le caressai pour l’apaiser en un geste affectueux avant de rabattre ma capuche sur ma tête, masquant par la même occasion mes yeux d’or dans l’ombre.


    - Calme, murmurai-je à mon cheval qui commençait à s’impatienter de devoir rester immobile pendant que j’observai les alentours. On va trouver à boire, puis on prendra le bateau pour partir loin. De l’autre côté de cette nappe phréatique.

    Hors de question que je laisse ce cheval derrière, j’avais craqué dessus à la minute ou je l’avais vu. Certes il était noir ce qui m’avait arrangé, mais quand bien même il aurait été blanc ou alezan, je l’aurais tout de même choisi lui. Il avait un regard intelligent et expressif. Je l’avais remarqué dès la première fois que j’étais entrée dans l’écurie. Ses muscles saillants, sa robe d’ébène si noire presque violine, ses longs crins et sa puissante encolure… Il m’avait plu. Dans ma tête, pour moi, ignorant son nom, je l’avais baptisé Sheitan. Car il avait la beauté du diable et de l’ange.
    Comme une certaine autre personne que je ne nommerai pas…
    Medar ne me retrouverait pas une fois la nappe traversée. Elle était vaste et demandais plusieurs jours de navigation selon la direction exigée. Et moi, je demanderai la plus lointaine !
    Dissimulée sous ma cape, c’est donc les épaules droites mais la tête basse pour ne pas être reconnue que je talonnai ma monture afin de lui faire descendre la route jusqu’au village.

    Mais je n’eus le temps de faire que quelques pas à peine qu’un homme surgit devant moi, faisant se cabrer Sheitan. Bonne cavalière, je serrai mes cuisses pour ne pas tomber et regardai l’inconnu avec défiance avant que les pieds de l’animal ne reviennent frapper le sol.


    - La charité monseigneur, me dit-il avec un ton ironique.

    Sans lui répondre, une lueur assassine dans mes yeux qu’il ne pouvait pas voir, je tournai bride afin de le contourner, mais il attrapa la rêne de mon cheval, lui bloquant tout mouvement.


    - Allons un peu de cœur ! saisit-il ma jambe.

    Il marqua une pause puis leva ses yeux sur moi, scrutant mon visage, essayant de deviner mes traits.


    - T’as la jambe bien fine pour un homme. T’es un gosse ou quoi ? Hé les gars venez voir ça !
    - Lâchez-moi.

    L’ordre fusa, tranchant, meurtrier, impérieux, alors qu’une dizaine d’hommes sortirent des buissons alentours, m’encerclant, les regards fiers et confiants. Je soupirai, reconnaissant bien là le courage des hommes. Mettez-les en bande et ils se sentiront invincibles. Mais une fois seuls, il n’y a plus personne !
    Un sourire carnassier passa sur celui qui tenait toujours mon cheval. Il resserra sa prise autour de mon mollet et y crispa ses doigts appréciateurs.


    - Tant de fierté dans ta voix gamin, tu dois être quelqu’un de la Cour toi. Allez descends !

    Je tentai de le bousculer, de me débattre, mais il m’attrapa fermement et me jeta à bas de mon cheval qui s’enfuit prit de panique en direction du château. Dans ma chute, je ne perdis pourtant pas de temps et attrapai la dague à la ceinture de mon agresseur avant de la retourner contre lui après m’être adroitement réceptionnée, mais tranchai dans le vide. Il esquiva de justesse et éclata de rire tandis qu’un cercle se formait autour de nous.

    - Il a de la ressource ce p’tit ! Allez vas-y ! Attaque montre ce que tu sais faire !

    J’entendais les éclats de rire et les moqueries autour de moi. Je voyais les visages affublés de sourires, amusés et curieux mais je m’en fichais ! J’étais trop proche de ma liberté pour qu’ils m’en privent ! Ils ne me l’enlèveraient pas !
    Ce sentiment me donna des ailes et je bondis sur mon agresseur, furtive et rapide. Ce rire qui le secouait, je le lui fis rentrer en travers de la gorge tant il ne s’attendait pas à tant d’habileté de ma part. Il esquiva tout de même, mais trébucha et manqua de se retrouver le nez dans la poussière. Ses compagnons se turent, comprenant que l’affrontement pouvait être intéressant finalement et qu’il ne s’agirait pas que d’un simple rossage.
    Je ne savais pas qui ils étaient. Mais si celui que j’affrontais parvenait à éviter chacun de mes coups, c’est qu’il n’était pas un simple bandit de grands chemins. Ils n’étaient d’ailleurs pas habillés très pauvrement… Qui étaient-ils alors… ?
    Un coup paré trop haut me valut un coup de pied dans le ventre qui m’envoya voler au sol où je m’écroulai en grimaçant, le souffle coupé, sonnée. Je plaquai une de mes mains sur une côte douloureuse afin d’essayer de respirer avec plus d’aisance, mais l’air peinait à revenir dans mes poumons. Je toussai à m’en donner des hauts le cœur tant le choc avait été brutal, mais finalement je parvins à retrouver mon souffle et relèvai un regard noir vers l’homme qui me dominait.


    - Hé bien alors ? Je suis déçu ! Hein les gars ? J’en fais quoi ? Je lui prends son argents et on se tire ? Ha ha… !

    Pas le temps d’un troisième « ha ». Poussant sur mes jambes, je me redressai et lui décochai la plus énorme droite de toute ma vie. Haletante, les phalanges rougies, je l’affrontai et le défiai des fentes assassines de mes yeux.
    L’homme chancela et se rattrapa à un arbre, puis découvrit le filet de sang qui s’écoulait de sa lèvre tuméfiée et de son nez. Dangereux, assassin, il se jeta sur moi sans plus attendre et me frappa à mon tour, faisant glisser ma capuche en arrière, découvrant mon visage aux yeux de tous. L’incrédulité frappa son visage lorsqu’il s’aperçut que j’étais une femme et allongée sous son poids, je lui crachai du sang au visage afin de le faire revenir à la réalité. Contrairement à ce que j’avais imaginé, ce n’est pas un nouveau coup qui accueillit ce geste, mais un sourire pervers et malsain.


    - Et bien quelle surprise ! Le gamin est une gamine ! Et… une très belle gamine… délassa-t-il la chemise d’homme pour mieux apprécier la vue de mon corps.

    Soulevée de répulsion, je tentai de me débattre, de me libérer de lui, mais il avait de la force. Il confia ses armes à un de ses hommes afin de mieux me maintenir parterre et je poussai un grognement de rage lorsqu’il osa poser sa main sur moi.

    - Allez tu vas bien me faire le plaisir de crier un peu. Tu te doutes bien de ce qui va t’arriver non ?

    Je serrai les dents et gardai mes yeux dans les siens, décidés, volontaires, bravaches. Non je ne crierai pas ! Je ne lui ferai pas ce plaisir ! Je me battrai, je lutterai, mais je ne crierai pas ! Jamais de la vie !

    - On va peut-être t’emmener avec nous,s’amusa-t-il. Tu me plais bien ! Et à mes hommes aussi apparemment ! Allez crie !

    Je ne bougeai pas d’un cil.

    - Crie ! déchira-t-il ma chemise probablement pour m’impressionner.

    Je pris sur moi pour ne pas exaucer son souhait. Je sursautai en entendant le tissu céder sous ses doigts, mais il n’obtint rien de plus de moi. Dire que je n’avais pas peur aurait été faux. Mais je ne voulais pas le leur montrer. A aucun d’eux. Il avait raison. Je me doutais de ce qu’il voulait me faire. De ce qu’ils voulaient tous me faire. Ce regard lubrique, je l’avais déjà vu avant dans les yeux de certains hommes qui se posaient sur moi à la Cour.
    Je me contorsionnai sous mon assaillant. De toutes mes forces je me rebellai et tentai de le repousser. Mais il était colossal comparé à moi ! Je commençais à m’épuiser de lutter face à cette montagne…
    Peu à peu, ma tête se mit à tourner, mes oreilles à bourdonner… Je me sentis devenir de moins en moins attaquante. De plus en plus lourde et faible dans mes gestes. Je n’en pouvais plus…
    Les larmes voulurent couler, mais je les retins du mieux que je le pus, scellées derrière ma volonté. Pourtant oui j’étais terrorisée… Je voulais hurler. Je voulais pleurer. Je voulais appeler. Mais je me l’interdisais.
    J’étais l’impératrice de la cité de la rose aux six pétales. Je ne ployais devant personne…


    « Medar… »
    Medar
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    Message par Medar Mar 27 Sep - 0:34

    Suivre ainsi sa femme dans les étendues souterraines, cela pouvait paraître étrange. La plupart des siens auraient même trouvé cela totalement surréaliste. Enfin... « des siens », une certaine façon de penser les siens plutôt. Les siens d'ici et de maintenant, de ce lieu et ce temps bien précis, autant qu'ils puissent être siens. À savoir les Drows des Profondeurs, et des Zeshania le Fière en particulier. Si un d'entre eux se serait trouvé à sa place il aurait au plus vite rattrapé Svanhilde et l'aurait faite prisonnière pour mieux la ramener au palais où elle serait enfermée pendant plusieurs
    siècles. Mais justement, aucun d'eux ne faisait vraiment partie « des siens », et aucun d'eux ne pensait, ne ressentait, ne tissait sa toile même, comme lui même pouvait le faire, comme lui-même savait si bien le faire. Aucun d'eux n'aurait pu accomplir les actes qui avaient menés à cet instant, encore moins de façon consciente et raisonné. Pour chacun d'eux, la belle aurait eut raison de s'enfuir, mille et une fois raison. De se fait, aucun d'eux n'aurait pu se retrouver dans exactement la même situation que lui;. Ils avaient un fil dans la toile, un file qui portait leur nom depuis le premier instant de leur existence. Mais lui-même ne s'y insérait point comme cela, ne s'y était pas inséré de cette façon ni au même moment de leur vie, ô non, certes non.

    Et donc, Medar, Empereur maintenant dans les Profondeurs, même si ce titre n'était pas encore totalement justifié, n'avait pas fait ce qu'aurait fait n'importe lequel de ses nobles, parce qu'il n'était pas cela. Il était l'Empereur, et tellement plus encore. Il n'intervint pas, il la laissa aller son chemin pour l'instant. Son but était évident, ou le semblait en tous cas : l'immense mer souterraine qui s'étendait plus loin, et au-delà de laquelle un pisteur normal aurait bien de la peine à la retrouver. Mais elle oubliait, sans doute un peu volontairement, son esprit voulant entretenir son espoir aveugle, que sa magie pourrait la traquer jusqu'au bout de l'univers s'il le fallait. Il la connaissait, et il était capable de ne jamais, absolument jamais lâcher sa proie une fois qu'il l'avait correctement identifié. Il l'avait déjà fait, et pourrait le refaire par la suite, il pourrait la poursuivre jusque dans les plus lointaines étoiles ou les plans les plus étrangers s'il le fallait. Mais il aurait aussi pu la rattraper bien plus vite. Elle avait volé un excellent cheval, un cheval qu'on avait élevé spécialement pour lui mais dont bien sûr il n'avait aucun besoin, disposant de sa fidèle monture. Il avait envisagé de l'offrir à quelqu'un, mais n'avait jamais trouvé la bonne personne... ni pensé à elle. Si les choses tournaient bien, il pourrait lui en faire présent. Après tout, elle méritait bien cela, et plus que cela encore. Et elle aurait peut-être besoin d'un peu de réconfort, or un cheval pouvait apporter bien plus d’émotions que ce que la plupart des gens pensaient.

    Restait à finir toute cette histoire. Il suivait assez le dessein, connaissait assez bien le motif, pour savoir que quelque chose allait se produire, bientôt, très bientôt. Et, en effet, Svanhilde fut arrêtée par une bande d'hommes, des brigands, probablement, qui devaient avoir été appâté par la qualité de son cheval, indiquant selon toute vraisemblance un cavalier aisé. La belle savait assez bien se défendre, pourtant elle fut bien vite dépassée, d'abord mise à terre puis battue. Medar, lui, se chargea de récupérer sa monture, qui se calma d'un simple regard de Shuruga. Tel était le pouvoir des chevaux spectraux sur les autres équidés, qui sentaient en eux leur ascendance première et si illustre, ainsi que la grandeur qu'eux-mêmes sous-tendaient. Et celui-ci était l'un des aînés de sa race, ne cédant en noblesse et en grandeur qu'à la Première Fille de l'Étalon Éternel, qui était sa sœur. Il était un seigneur des chevaux, plus encore que son Cavalier n'étiait un seigneur des hommes et des femmes, et il aurait bravé la mort elle-même pour lui. Il l'avait fait de nombreuses fois, d'ailleurs. Ils allaient toujours par d'eux, ou presque, d'une manière insondable, fut-ce contre toute logique. Toujours. Un unique Cheval, et son unique Cavalier, qui avaient marquées ou inspirées tant de légendes qu'on n'aurait pu les compter...

    Pour en revenir à Svanhilde, elle avait des ennuis. Les hommes l'avaient immobilisés et, découvrant ce qu'elle était vraiment, à savoir une femme, et belle à se damner, ils entreprirent de la déshabiller pour la violer. Cela fit bouillir son sang, mais il se retint. Il avait une envie folle de les réduire à néant, mais il la contrôla. Il manquait quelque chose, il manquait, il manquait...


    « Medar… »

    Son nom, juste son nom, livré dans un murmure. Un simple et pâle murmure, mais se fut suffisant. Suffisant pour toucher son âme, ce qui était son âme tout du moins. Suffisant pour que son Cheval parte au galop, vite, trop vite, tellement vite. En quelques instants il fut sur eux, et son épée était un trait d'argent. Ils étaient forts, oui, mais nul ne pouvait l'égaler, nul ne l'avait jamais pu, quand il était ainsi monté. Le Cheval et son Cavalier. Et dans tous les mondes aucun n'avait leur pareil à l'épée dans un combat monté. Sa lame était presque irréelle quand elle décapita le chef des assassin, alors que les sabots de Shuruga se levaient et se tendaient, faisant leur première victimes. Des actes clairs, précis, et puis tout se fondit dans un brouillard rouge et noir...

    « Brûlez en Enfer, sales chiens ! »

    Sa rage était terrible, immense, insondable. Et quand ils commandèrent à tenter de fuir, il leva une main impérieuse pour prononcer un mot tonnant dans une langue affreuse, créant des éclairs noirs qui vinrent frapper les survivants, leur ôtant la vie dans d’atroces souffrances. Alors seulement Medar se calma-t-il, et se retourna-t-il vers Svanhilde, se perdant quelques instants dans la contemplation de sa beauté. Et alors seulement l'archer derrière lui se découvrit-il, silencieux, encochant une flèche qu'il ne verrait pas et se ficherait probablement en plein dans son crâne, mettant fin à ses jours...
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    Message par Svanhilde Luaruneclavra Mar 27 Sep - 19:21

    Etendue au sol, à moitié évanouie d’épuisement, je continuai pourtant de me débattre de toutes mes forces sans jamais abandonner. Le prénom de Medar m’était venu tout seul. Il avait raisonné dans ma tête, comme si il avait été le seul lien me raccrochant à la conscience. Comme si j’avais besoin de sa force spirituelle pour rester éveillée et ne pas sombrer entre ce monde et nulle part. Il me donnait la force et la volonté suffisante à continuer de me battre, même vidée de toute énergie physique.
    Je n’avais plus pour moi que ma force de caractère… Mais ma volonté seule, aussi décidée soit-elle, n’aurait pas pu me sauver contre tous ces hommes et je le savais… Je m’y étais résignée sans l’accepter. Ils auraient beau me faire subir tout ce qu’ils voudraient, je l’endurerai ! J’étais prête ! Qu’ils disposent de moi à leur guise, mais ils ne l’emporteraient pas au paradis, ni en enfer qui seraient encore trop bien pour eux ! Ils me laisseraient probablement pour morte et ensanglantée, mais je jurai sur tout ce qui m’était cher que je ne mourrai pas et que je les traquerai pour leur faire payer au centuple ce qu’ils s’apprêtaient à me faire !

    Mais ma vengeance ne se ferait pas... Comme je n’aurai pas à subir leurs atrocités. Un éclair d’argent fendit l’obscurité et le sang gicla. Aussitôt je sentis un poids mort s’affaler sur moi et m’écraser alors qu’un bruit de roulement raisonna à mon oreille. Un peu hébétée, je tournai la tête et découvris celle de mon agresseur qui me fixait le regard mort et sursautai avant de pousser de toute mes forces restantes sur le reste du cadavre pour m’en libérer.
    Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine dévoilée. Je reculai de quelques pas repliée sur moi-même et regardai autour de moi afin d’essayer de comprendre ce qui était en train de se passer. J’entendais les hommes hurler et les corps craquer en tombant au sol. Ma vue était brouillée par le sang et la fatigue mais dans les méandres de ma vision troublée, j’aperçus un cheval monté par son cavalier. Tout deux me semblèrent irréels… Arrivés de nulle part…. Somptueux et effrayants à la fois…
    Refermant ma chemise déchirée sur mes seins nus je les observai se battre et terrasser un à un chacun de mes assaillants. Je ne perdis rien de leurs mouvements, enregistrant chaque attaque, chaque défense, chaque parade de mes yeux de guerrière. Je n’avais plus d’yeux que pour eux. Ils étaient… sublimes… Un songe matérialisé sous mes yeux…


    - Brûlez en Enfer, sales chiens !

    La voix rendue terrible par la colère me tira de ma léthargie. Soudain j’entrai à nouveau dans la réalité et secouai la tête afin de m remettre mes idées en ordre. Je vis les cadavres par terre. Je vis le ciel chargé d’une ambiance noire et rouge. Une ambiance lourde, pesante, effrayante. Je n’avais pas peur pourtant, mais j’étais impressionnée. En revanche, ceux qui fuyaient à toute jambe comme si ils fuyaient le diable en personne, eux semblaient avoir dépassé les frontières de la terreur !
    Le diable avait les cheveux blancs et une beauté à se damner. A faire se condamner la plus sainte des saintes pour un simple regard de lui.
    Je fus étonnée de reconnaître Medar, sans l’être vraiment… Pourquoi est-ce que le fait qu’il soit là me paraissait-il normal ? Pourquoi est-ce que le voir se battre pour moi ne soulevait pas de question en moi ? C’était comme si en pensant son nom tout à l’heure, j’avais voulu le voir apparaître, et maintenant il était là… tout simplement…
    Je regardai sa main se lever et l’entendit commander aux éléments qui lui étaient propres en un mot que je ne compris pas. Sous le déferlement d’éclairs d’une puissance insoupçonnée, je me recroquevillai sur moi-même afin de me protéger par instinct, mais regardai tout de même entre mes doigts ma curiosité l’emportant, ne voulant pas perdre une seule miette de la scène. Les corps flambèrent. Les chairs brûlèrent et les cris s’élevèrent avec abomination dans les airs cramoisis qui nous surplombaient.

    Puis, tout redevint calme. Silencieux. Comme si rien ne s’était passé. Doucement, mon corps douloureux, je quittai ma position fœtale pour me redresser et jetai un coup d’œil autour de moi. Il ne restait de mes agresseurs qu’amas de poussières. La magie destructrice de Medar avait tout soufflé sur son passage.
    Tout, sauf moi.
    Mes yeux d’or se relevèrent alors vers lui qui en même temps se retournait pour me faire face, et nos regards s’accrochèrent un instant. Je me perdis en lui. Aucun mot ne franchit ni mes lèvres, ni les siennes. Il n’y avait que nous. Que nos regards échangés. Que nos âmes qui se parlaient en se cachant de nos corps. En se voilant à moi surtout…
    Elles s’avouaient et se confessaient… Se juraient des choses que nous nous dirions plus tard… Moi qui ne voulais rien voir mais qui avait pourtant l’évidence sous les yeux…

    Un mouvement dans le dos de Medar me perturba pourtant et brisa la magie de la scène.

    S’il n’avait pas été là, je me dis à présent que peut-être je me serais jetée dans ses bras et que je me serais donnée à lui sur le sol de cette clairière…
    Mais je ne le saurai jamais…

    Mon regard furtif le capta et le sonda. Je ne vis pas la silhouette dissimulée dans les buissons, mais je vis la pointe d’argent dirigée sur Med briller. Mon cœur manqua plusieurs battements et une panique indescriptible et inexplicable s’empara de moi. Pas de peur face à cette arme, mais d’horreur de voir que la vie de Medar était suspendue au bout de cette flèche… et… que le fil était près à céder…
    Je voulus crier, lui dire de faire attention, mais aucun son ne voulut sortir de ma bouche paralysée par la scène qui se déroulait sous mes yeux. Ma gorge était obstruée. Mon estomac noué. Je nageai en plein cauchemar. Comme lorsque l’on veut courir vite mais que l’on reste clouer sur place… J’avais ce même sentiment d’impuissance et de frustration…
    Mais lorsque je vis le bras se bander l’arc, rapide, je me décoinçai et prononçai quelques mots espionnés lors d’entrainements, puis lançai mes mains en avant qui crachèrent leurs éclairs foudroyants droit vers l’archer en une lumière aveuglante.
    La foudre tonna et frappa. Malheureusement, ma jeunesse et mon manque d’expérience me jouèrent un tour et ma magie manquant de puissance et donc de rapidité, n’eut le temps que de déjouer la trajectoire de la flèche qui alla se ficher en plein entre les omoplates de Medar, qui s’écroula au sol juste sous mes yeux.
    Un drôle de sentiment m’envahit et se fit maître de moi. Je regardai le corps de mon mari allongé à mes pieds dont une tâche de sang croissait et maculait son vêtement de plus en plus amplement. J’haletai et avais en même temps le souffle coupé. Mon cœur tambourinait à tout rompre et en même temps ne battait plus… Je ne pouvais plus bouger. Ne pouvais plus penser. Ne pouvais plus respirer. Je ne pouvais que le regarder, mort à mes pieds…

    Lentement, mes yeux se relevèrent vers l’archer sans que mon visage ne le face, lui lançant ainsi le regard le plus haineux, le plus assassin, le plus meurtrier que je n’ai jamais lancé à quelqu’un avant lui. Une force nouvelle monta en moi, guidée par la colère. Mon sang se mit à bouillonner. Mes poings se serrèrent à m’en faire saigner les paumes et en un cri de rage déchirant le silence et l’univers, je déchaînai sur l’homme en fuite toute ma furie, mes deux mains levées vers les célestes afin de les implorer, le ciel se rassemblant en un tourbillon juste au dessus de sa tête pour y déferler toute ma colère à son paroxysme, faisant s’abattre mes foudres sur son corps qui ne laissa pour seule trace de passage dans ce monde, que de la terre noircie…
    Lui disparu, la nuit redevint calme. En nage, je retombai à genoux complètement essoufflée par l’effort et contemplai ce que je venais de faire avant de regarder mes mains, ne croyant pas à ce que je venais d’accomplir.
    D’où est-ce que je sortais ça moi ?

    Fébrile, je me relevai et m’époussetai avant de plaquer ma main sur ma côte en grimaçant. Bon sang ce que ça faisait mal !
    Mes iris regardèrent un instant Medar. Je m’approchai de lui en titubant et tombai à son côté. Mes yeux coururent sur lui, sans comprendre ce qui se passait en moi. Je me sentais toute drôle… Comme… je ne sais pas… Un sentiment horrible en tout cas. Un sentiment qui ne me plaisait pas. Pas du tout. Je me sentais oppressée. Très oppressée. Beaucoup trop oppressée. J’avais l’impression d’être sur le point de craquer de toutes les manières possibles….
    Ma mains s’avança vers lui mais recula aussitôt que je perçus un mouvement de Medar. Mon palpitant bondit dans ma poitrine et je reculai d’un pas, tombant presque sur les fesses sous la surprise.
    Il était vivant !
    Mes sourcils se froncèrent, effaçant mon sourire. Devais-je m’en réjouir ou m’en lamenter ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’il faisait là !? Pourquoi LUI était-il là ? Pourquoi ne pas avoir envoyé des hommes à ma poursuite ? Pourquoi être venu lui-même ?!

    Mon esprit revêche reprit le dessus sur moi, mes illusions revenant au galop voiler mon cœur qui s’était pourtant découvert en le croyant mort.
    Je ne rentrerai pas avec lui ! Je ne retournerai pas là-bas ! Hors de question ! Je ne retournerai pas m’enchaîner à cet endroit ! La nappe était toute proche ! A 10 minutes de galop à peine ! Je pouvais presque toucher ma liberté du bout de mes doigts ! Je ne pouvais pas la perdre maintenant !
    Et puis… des hommes viendraient le chercher en ne le voyant pas revenir non…?
    Doucement je poussai sur mes jambes, me relevai et refermai ma cape sur moi afin de cacher ma semi-nudité. Je me mis à courir vers le cheval de Medar et arrivé près de lui, lui pris la bride. Une dernière œillade à son cavalier me fit néanmoins marquer une pause...
    Il était pale… Son souffle irrégulier… Il ne tiendrait pas longtemps dans cet état s’il n’était pas vite soigné…
    Mais qu’importe ! Ses hommes allaient arriver… J’en étais sûre…
    Avec adresse, je me hissais sur sa monture et lui fis tourner bride vers le port, mais lorsque je voulus la faire avancer, ce fut comme talonner un mur de pierre… Il ne bougea pas d’un poil… Ses quatre fers restèrent enracinés au sol et n’esquissèrent pas même un mouvement ou une intention de mouvement.


    - Allez avance ! m’acharnai-je. ALLEZ !!!!!!


    Je donnai des coups de bassin pour l’encourager, des coups de talons, mais rien à faire. Maudissant ce fichu animal, je descendis et le poussai pour passer. Tant pis ! J’irai à pieds ! J’étais une bonne coureuse !
    Tsss saloperie de canasson !
    Décidée, je retournai sur la route à grandes enjambées, mais ne pus faire que trois pas une fois dessus… Trois pas qui ralentirent, avant de décroitre et que je ne m’immobilise, le souffle aussi court que si je venais de courir des heures. J’avais l’impression de laisser quelque chose derrière moi. Quelque chose de précieux et d’important. De vital même…

    Aujourd’hui je comprends que c’était mon cœur que j’avais bien failli abandonner avec Med dans cette forêt…

    Je me sentis déchirée. Mes yeux allèrent du bateau amarré qui ne semblait attendre que moi au corps inerte de Medar qui gisait sur le sol.
    Je n’avais jamais été confrontée à pareille situation avant. Le problème du choix ne s’était jamais fait pour moi. Il y avait le blanc, il y a avant le noir. Je prenais l’un et laissais l’autre sans le moindre regret… Jamais. Là maintenant, je ne pouvais pas prendre de décision… Je n’y arrivais pas ! J’hésitais ! Le temps me pressait et je devais vite faire mon choix ! Perdre le bateau, ou perdre Medar… Perdre ma liberté, ou perdre Medar… Perdre…
    Perdre Medar ?
    Pourquoi est-ce que je pensais la chose ainsi ? Je le haïssais et le détestais ! Qu’avais-je à faire qu’il meurt ? Qu’avais-je à faire qu’il vive ? En quoi aurait-il été une perte ? Je voulais ma liberté donc je voulais qu’il meurt ! Pourquoi est-ce que je me souciais qu’il ne… meurt pas… ?
    Oula je m’embrouillais… C’était n’importe quoi dans ma tête… Tout tournait et se mélangeait. Mon cœur entrait en conflit avec ma raison... Déglutissant, une ultime fois je posai l’or de mes yeux sur le port, puis me traitant de tous les noms, je tapai du pied et revins en courant vers mon mari, sans trouver de raison rationnelle à ce que j’étais en train de faire. La seule chose dont j’étais consciente, c’est que je volai pratiquement à lui… Plus vite que je n’aurais jamais pu le faire lorsque j’avais voulu reprendre ma route…
    Je laissais ce que je voulais le plus au monde pour celui que je prenais pour mon geôlier…

    Je me jetai pourtant presque sur lui et déchirai le vêtement pour examiner sa plaie qui n’avait rien de très beau. J’avais peur de retirer la flèche et de prématurer sa mort alors j’évitai de la toucher…
    Plaçant mes mains au dessus de la plaie, je voulus tenter le sort de guérison que j’avais retenu lors de notre nuit de noce tumultueuse dont je portais encore la marque au creux de ma main droite. Je me concentrai et essayai de me remémorer l’incantation exacte. Je réfléchis de toutes mes forces et finalement, prononçai les mots. Je sentis la magie sortir de mes doigts pour passer dans son corps, mais elle n’eut aucun effet concluant… L’expérience me manquait ! Elle ne fit que guérir quelques tissus de peau craquelés, mais ce n’était évidemment pas assez pour sauver Med.
    Une humidité mouilla naquit sur le revers de ma main et me fit sursauter. Je la portai à mes yeux et m’étonnai d’y découvrir une goutte d'eau. Pourtant le ciel était clair… Il n’y avait pas de reflu aquatique à l’horizon… Rien qui suintait au dessus de nous…
    Un petit courant d’air me fit frissonner et glaça mon visage de façon étrange. Mes doigts allèrent éprouver la température de ma peau, mais je restai figée en la sentant trempée… Mes joues étaient inondées de larmes… Ma vision était brouillée… Et je hoquetais…
    Je tombais des nues… Je pleurais… Moi je versais des larmes !
    Pourquoi ?
    Medar apparu à mon regard et je manquai de m’étouffer, repoussant cette idée de toutes mes forces.
    Pour lui ?
    Non pourquoi est-ce que je pleurerais pour lui ?! Je me fichais de cet homme ! Je… Je m’en fichais n’est-ce pas ?
    Je retirai pourtant une mèche de devant ses yeux, dévoilant son visage blême.
    Mon cœur cogna avec force comme si il avait voulu me pousser vers lui mais avait été retenu par les chaînes de mon entêtement à haïr cet homme.
    Une lumière très très lointaine se fit pourtant…

    Non. Non je ne m’en fichais pas ! Bon sang mais qu’elle idiote ! Pourquoi est-ce que je me traitais d’idiote ? Aucune idée moi-même en cet instant et je n’avais pas le temps d’y penser. A vrai dire je ne pouvais plus penser à rien d’autre qu’à revoir ses yeux ouverts sur les miens ! Je voulais me voir dans ses prunelles à nouveau. Je ne voulais pas qu’il les garde fermées au monde à tout jamais ! Je voulais qu’il me regarde encore… Je voulais me disputer avec lui ! Je voulais l’affronter ! Je voulais le braver ! Je le battre et le détester !
    Je voulais l’aim…
    Je rabattis ma cape sur mon visage, puis me dépêchai d’aller chercher le cheval de Medar, priant pour qu’il ne joue pas encore les têtes de mules.


    - Toi écoute-moi bien ! T’as intérêt à avancer sinon je te jure que je fais de toi un tartare pour ce soir !

    Je guidai l’animal près de Medar, et le fis s’allonger avec précipitation avant de le tirer sur son dos. Chose faite, je me hissai derrière lui en rabattant la cape sur le corps inerte mais eus à peine le temps de m’asseoir que l’animal bondit en direction du château…
    Je le maintins du mieux que je le pus, prêtant bien peu d’attention à ma propre blessure tandis que son cheval filait plus vite que le vent. En à peine quelques minutes les tours de la citadelle apparurent et en encore moitié moins de temps, je déboulai à cheval dans la grande salle du palais sous les regards éberlués de tous les convives encore présents à la fête.


    - Soignez-le ! Vite !
    - Qui es-tu manant pour oser entrer ici ainsi ?


    Mon regard se fit assassin et je me découvris avant de retirer le pan de ma cape du corps de Medar.

    - Je suis ta Reine et je te jure que s’il meurt parce que tu nous a fait perdre du temps je te tuerai moi-même ! SOIGNEZ-LE !

    En hâte des hommes accoururent et déchargèrent Medar avant de l’emmener en urgence dans une chambre où les prêtresses se précipitèrent à leur suite.
    Je les regardai faire légèrement rassérénée, puis l’adrénaline retombée, mes forces m’abandonnèrent à nouveau. Mon corps douloureux, blessé, je sombrai dans les ténèbres contre lesquels j’avais si ardemment lutté et m’écroulai du dos de Shuruga sur le marbre froid de la salle de bal, éreintée…
    Medar
    Medar


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    Message par Medar Ven 7 Oct - 20:26

    Il aurait dû le voir. Oh oui, bien sûr qu'il aurait dû ! Il était ce qu'il était, très ancien, et très sage par ailleurs, à sa propre manière. Une sagesse discutable sur certains points, par certaines personnes et en certains lieux, mais totalement irréfutables dans les domaines du combat, des embuscades et des armes en général, de quelque type qu'elles soient. Il avait fait la guerre si longtemps, en tant d'endroit et sous tant de bannières ! Un choix librement consenti, à l'aube de temps maintenant envolés en poussière et en fumée, mais qui leur avait survécu. Monté sur son Cheval, il n'avait pas sa pareille, jamais, il n'en avait jamais rencontré capable de l'égaler, dans aucun monde qui soit, pas depuis des années sans nombre. Et il avait l'instinct, aussi, l'instinct qui n'était pas celui des Hommes mortels sous le Ciel, ni même celui des Elfes Noirs au fond des gouffres, pour qui le ciel n'était même pas une chimère, un rêve enfuis et oublié comme s'il n'avait jamais été rêvé. C'était un instinct qui lui était propre, à lui et à ceux de sa Race, et plus haut en vérité chez lui que chez aucun autre, plus généreusement accordé au départ et mieux aiguisé par la suite.

    C'était là ce qu'il était, véritablement, et il aurait dû le voir, en vérité. Dans n'importe quel autre temps, en n'importe quel autre lieu, et surtout avec n'importe qui d'autre en face de lui, il l'aurait vu. Mais pas ici, non, pas ici. Ici il ne pouvait pas, il ne pouvait tout simplement pas. Il était perdu, perdu comme à jamais dans les étendues dorées de ces yeux-âmes enfin ouverts pour lui totalement. Et elle était si belle, cette âme qui laissait enfin tomber ses barrières en cet instant ultime, plus belle qu'aucun joyau, qu'aucune des nombreuses âmes qu'il avait vu au part avant, plus belle même que le corps dans lequel elle s'épanouissait. Oh, il avait vu bien des choses que les êtres autour de lui avaient dites « belles », et en de nombreuses fois dans la consommation des siècles et des millénaires il avait été d'accord avec cela. Il avait vu Leur beauté première, dans les vides de Leur enfance, avant que tout ne change, même leur doux jardin, la sienne dans ce qui n'était pas vraiment de l'eau, et celle de son frère pareille à la sienne, et celle de l'autre plus éclatante qu'aucun soleil. Il avait vu enfin, alors que le temps n'était encore qu'un mot, une beauté si parfaite qu'elle devait éclipser toutes les autres dans les étendues de tous les univers et toutes les époques, la beauté de sa sœur, dont la nuit et les étoiles ne seraient jamais que de bien pâles reflets.

    Et pourtant. Et pourtant, en cet instant ultime, son cœur bascula. De toutes les longues années de son existence, il avait vu les femmes les plus belles, avait été l'amant ou l'époux de certaines d'entre-elles. Il avait vu les objets dont la perfection vous faisait mal au cœur, à en mourir, à en devenir fou, comme les spectacles les plus simples et les plus doux, à vous faire fondre l'âme. Il avait vu ses propres enfants mêlés aux sangs les plus purs des mondes, et leur beauté à eux, bien réelle. Il avait vu les étoiles de temps de cieux, et maintes autres perles de beauté. Il avait été là, spectre tranquille et invisible, pour voir une Nymphe éclore qui n'était pas vraiment une Nymphe mais autre chose, imperceptible même aux dieux assemblés, et encore quand elle s'était révélée à l'amour, elle qu'on avait dit la plus belle enfant de tous les Univers jamais filés. Il verrait plus tard, et en percevait déjà l'écho, la damoiselle au cheveux d'or naître, fille d'un qui serait son ami, et épouse d'un autre qui le serait aussi, mais qui ne viendrait jamais elle-même en ses landes, et pourrait comparer ces deux perfections cœur à cœur. Il avait vu et contemplerait encore bien des actes plus beaux qu'aucunes femmes, et savait la savante complexité cachée derrière nombre d'entre eux, pour en avoir été l'artiste précis et attentionné.

    Il avait vu tout cela et bien plus encore, plus de beauté en vérité qu'aucune âme mortelle ou immortelle ne pourrait jamais en percevoir, beauté des choses, des gens, des sentiments, beauté de tout. Il avait vu en tout premier la beauté des trois êtres assemblés, les deux autour de lui, et aussi lui-même, une beauté véritable et première, et celle de toutes les âmes libres qui leur feraient écho dans la marche des temps. Et il avait vu avec cela cette beauté que son cœur, son âme et ses yeux avaient toujours revendiqués comme suprêmes, à jamais dans tous les échos du temps. Il y avait cru farouchement, il avait été totalement sincère. Elle qui était la première enfant, née avant qu'aucune vie ne soit filée et destiner à vivre encore quand toutes se seraient dispersés dans la toile du néant, de paix ou de guerre, à terme ou avant cela. Il avait vu l'amour éclore tant de vois – il avait suivit chaque pas du Tánit, le Porteur de Lance du Guerrier, chacun d'entre eux, et tous les échos à lui rendu, et la flamme plus pure dans ses propres yeux – et avait cru de toute son âme que c'était un sentiment mortel qui jamais ne pourrait égaler cette beauté première.

    Mais pourtant, en cet instant unique, une autre vérité éclot dans son cœur et son âme, une vérité différente. Car enfin, après tant et tant d'années d'une quête qu'il avait cru ne pas être la sienne, il était venu s'abreuver à cette unique beauté dans tous les univers, passés, présents et à venir, qui puisse pour lui éclipser cette perfection première. Non pas celle du corps, mais celle de l'âme qui en cet instant s'ouvrait à la sienne, à ce qui était son âme, plus ancienne qu'aucune des choses que l'on avait faite pour être des âmes, et qui pourtant en l'une d'elles venait de trouver son unique écho. Son esprit n'en était pas conscient, pas encore. Son esprit n'était plus rien en cet instant, simple poussière devant la vague de son être le plus profond. Jamais sa raison n'aurait été capable de l’appréhender ainsi, jamais ne l'avait-elle fait malgré toute sa sagesse. C'était sensé être impossible. L'amour n'était pas pour eux, il était postérieur à eux, il n'était pas fait pour ce qu'ils étaient. Une autre vérité très ancienne que son âme jeta à bas en un fragment de temps, infiniment plus petit qu'un battement de cœur. Une autre chose qui avait été profondément vraie mais qui ne l'était plus. L'amour n'était pas leur lot. Mais pourtant, en cet instant, son âme se mit à aimer...

    Et c'était pour cet amour, pour cet esprit éclipsé, qu'il faillit en cet instant trouver la mort. Et en vérité, avant que cette perfection suprême ne puisse envahir son âme et s'y révéler, la magie fut brisée. Le regard de Svanhilde quitta le sien pour se porter derrière lui, et son cœur se décala un instant. La lumière fut à nouveau masquée par les ténèbres. L'amour qui s’apprêtait à éclore fut enfuis encore un peu sous la brume millénaire de son être. Mais pourtant, et c'était là le plus tragique, le trouble éclata dans son esprit, le brouilla, le tordit, comme ce n'était plus arrivé depuis de nombreuses années, et jamais avec autant de force. Et ainsi ne vit-il pas non plus en cet instant-là, ne vit-il que trop tard. Il vit la main de la belle se tendre, ses lèvres prononcer des mots – et il perçu même, ironie glacée lui qui n'avait rien vu jusqu'alors, les infimes erreurs de son sortilège – il vit la magie lui obéir avec virtuosité. Et enfin son instinct senti-t-il le danger, et la flèche qui volait vers lui, mais pour la première et unique fois de son existence si longue, passée et à venir, les émotions les paralysait, c'était comme s'il ne pouvait plus bouger. Le Cheval bougea sous lui, oui, légèrement, mais telle était son harmonie avec lui, et l'instinct encore différent de sa race qu'il ne bougea qu'un peu, bien trop peu pour éviter le trait.

    La flèche le frappa donc dans le dos, et il tomba de la scelle sous le choc, s'écroulant face contre terre dans la grotte souterraine. Il avait mal, bien sûr, mais il avait eut mal tant de fois, qu'était-ce un peu de douleur ? Il avait été blessé souvent, était mort en tant d'occasion, qu'il était assez lucide pour reconnaître que la mort s'approchait à grands pas. De l'ironie, encore – pourquoi toujours de l'ironie en ces moments-là, vraiment ? – tant d'ironie dans cette pensée. La mort approchait, mais il l'avait façonnée. On l'avait appelé Spectre de la Mort, et dans les années à venir on le nommerait Chevalier de celle-ci, sans qu'il ait rien demandé. Mais cela n'empêchait nullement son corps mortel de la connaître, comme tous les autres avant lui. Il aurait pu, ou plutôt il aurait dû pouvoir arrêter le flot carmin, refermer ses blessures, se relever. Oh, oui, il aurait dû ! Ordonner à la mort de reculer une fois de plus, car sa tâche n'était pas arrivée à terme, car il n'avait pas filé en ce monde et en ce temps tout ce qu'il devait filer, car toutes les étapes du dessein qui devaient s'accomplir en cette vie n'avaient pas été accomplies. Mais il ne pouvait pas. Tel était le trouble de son âme qu'il ne pouvait point, et il lui faudrait y mettre bon ordre avant d'être à nouveau plein et entier...

    Le tonnerre gronda – le tonnerre de la magie, dans son âme – et il se dit qu'il était peut-être plus atteint qu'il ne le pensait. Le froid se répandait déjà dans ses membres, il perdait peu à peu le contrôle de son corps. Oui, la mort était plus proche qu'il ne l'avait cru, bien plus proche, elle était juste là. Ses propres échos l'entouraient, l'attendaient avec patience, comme toujours. La Loi édictée par son Père. La limite à leur dessein. Toujours là, fondamentalement là. Aux nuances nombreuses, dont c'était là la plus fondamentale. L'assurance pour qu'ils ne dérèglement pas les mondes et les univers, pour qu'ils ne puissent pas les faire basculer. Lui, surtout. Le Quatrième, même si ce n'était pas là son ordre de naissance. Le plus dangereux d'entre eux, celui qui défaisait. Et il fallait donc des règles pour les enclore, et lui tout particulièrement. Il les avait déjà fait basculer par le passer, et pouvait percevoir dans la trame du temps les échos de basculement à venir. Mais pas maintenant, pas cette fois, pas pour lui-même. Il n'en avait pas la force, il ne pouvait pas aller chercher assez lui, lui dont les sources étaient si profondes, tellement, tellement profondes...

    Comme un froid sur sa peau, il sentit l'absence de sa douce présence qui l'avait enveloppé jusqu'alors... Elle partait ? Vraiment ? Une part de lui était encore assez lucide – il connaissait la mort, elle le troublait bien peu – pour comprendre que c'était là une lutte d'elle-même avec elle-même et qu'encore une fois l'armure-prison de son cœur s'était reformée, encore une fois elle changeait la vérité en mensonge. Et il ne pu que formuler une prière muette pour qu'elle ne se laisse point aveugler, qu'elle ne se perde pas, et ne le perde pas, même s'il n'avait pas idée – pas consciemment – de la profondeur de cette perte. Il pria le Dieu des Enfers, une brève supplique, et sa sœur qui le regardait – il pouvait sentir ce regard en cet instant, si lourd et si léger à la fois, ce qu'il ne pouvait pas toujours – et même, à la toute fin, son Père. C'était une pensée difficile, presque étrangère à lui-même, mais un bref instant il se tendit vers son Père, dans la brume de son inconscience, humble en cet unique instant, lui qui de tous avait toujours été le plus rebelle, avec une seule à ses côtés pour presque l'égaler. Et ce fut tout, et il ne pu savoir, il ne su jamais en vérité, s'il avait ainsi été entendu à travers les mondes et le brouillard du temps...


    « Allez avance ! ALLEZ !!!!!! »

    C'était sa voix. Mince écho à ses oreilles, mais qu'il entendait d'une autre façon. Le Cheval et son Cavalier. Une autre sorte de lien, qui ne se briserait pas de si tôt en vérité. Il ne l'avait même pas sentie grimper sur son dos, et c'était déjà quelque chose. Et plus significatif encore, lui ne l'avait pas jetée à bas dès qu'elle avait essayé de le faire. C'était troublant, en vérité, car tous deux se connaissaient si bien, étaient si proches l'un de l'autre... Combien d'années maintenant ? Combien d'années depuis les riches plaines où l'Étalon avait payé son dû, avant que sa lame et celle de son frère ne se plongent dans son cœur pour lui permettre de passer dans les étoiles ? Combien d'années d'un lien partagé et si fort, si profond ? Il ne savait plus, mais dans les mondes mêmes bien rares étaient ceux aussi proche que lui de sa monture, et si elle ne l'abandonnerait jamais en aucun lieu elle n'avait pas tué Svanhilde pour avoir essayé de le chevaucher, et en ce but qui plus est. Il ne l'avait même pas jetée au sol. Pourtant, il n'eut pas l'occasion d'examiner cela plus en avant. Il n'était pas en état, ce n'était pas, lui semblait-il, le bon moment. C'était ainsi, et il le grava dans un coin de son esprit, c'était ainsi et il aurait tout le temps d'y revenir plus tard, mort ou vivant.

    Il la sentir partir encore, et c'était son cœur qui lui était arraché avec elle. Une pensée bien étrange. Sans doute était-ce l'approche de la mort qui le faisait délirer ainsi, mais c'était tout de même étrange. Tant de choses étaient étranges... La mort n'avait jamais eut ce genre d'effet pour lui pourtant, il y était habitué, il la connaissait mieux que personne, sous tous les points de vues. Mais cette fois, tout semblait différent, il avait des impressions qu'il n'avait jamais eut... et qui ne pouvaient être inspirées que par la mort, n'est-ce pas ? Il n'y avait rien d'autre qui puisse le troubler, et ses perceptions étaient forcément faussées... Non ? Son cœur ne pouvait pas partir avec elle, il ne pouvait pas... Il n'avait pas un cœur pour aimer, l'amour n'était pas pour lui, l'amour n'était pas pour Eux. Il ne l'avait jamais été... Ses pensées s'embrouillaient dans le froid de la mort – Oui, de la mort ! Comment cela aurait-il pu être le froid de son absence ? – et il ne savait pas, il ne savait plus rien, il perdait peu à peu les vérités qui avaient été si sûres, si profondes, si vivantes, sans parvenir à les remplacer par quoi que ce soit, sans parvenir à rien...

    Soudain, il sentit le retour de sa présence, de sa chaleur, de sa lumière. Elle se pencha sur lui, et sur sa peau couru le frisson d'un sort de soin. Mais trop faible, trop mineur, qui 'n'allait pas chercher assez profond. Encore une fois il en vit les faiblesses – terrible, l'esprit d'analyse, même aux portes de la mort – mais encore une fois il ne pu les lui indiquer. Il le ferait une autre fois, plus tard, s'il survivait. Il y avait tellement, tellement de pouvoir en elle... Et tellement plus que du pouvoir. Il ne pouvait comprendre tout ce qu'il avait vu en elle, il n'avait pas eut le temps de tout intégrer. Les choses se firent flouent pendant quelques instants, tout se brouilla dans son esprit. Les échos y ricochèrent en tous sens, la douleur de la flèche se conjuguant au froid de la mort. Il ne devait pas mourir, pas encore... Le dessein lui échappait presque à présent, mais il avait qu'il n'était pas accomplit. Et il était si proche, tellement proche... Il ne pouvait pas finir cette vie ici, il ne devait pas. Ce monde... devait continuer... Au moins encore un peu. Juste encore un peu...

    Quand il revint à une maigre conscience, il était à sa place. Sur le dos de Shuruga. Il se demanda quelques instants du fond de sa conscience troublée comment il y était monté, puis sentit la présence de Svanhilde derrière lui. Elle avait choisi de la ramener – son Cheval n'aurait accepté de partir vers aucune autre destination que la Palais où il pourrait être soigné – plutôt que de s'enfuir... Lui plutôt que la liberté qu'elle croyait pouvoir conquérir, alors qu'elle ne trouverait que malheur. Avait-elle ouvert les yeux sur cela ? Ou bien était-ce autre chose ? Il ne savait pas, il ne savait plus... Il n'eut pas le temps d'y penser, d'ailleurs, car telle était la vitesse de sa monture qu'ils atteignirent rapidement la ville, puis le Palais et la grande salle. Les gardes avaient reconnus Shuruga, pour la plupart, et les autres n'avaient pas osés se mettre en travers du chemin de cet immense Cheval au regard volcanique et à l'aura si décidé, si franche, si royale.


    « Soignez-le ! Vite ! »

    « Qui es-tu manant pour oser entrer ici ainsi ? »


    La voix de Svanhilde, à nouveau, et une autre, qui n'avait pour lui aucun intérêt... Pourquoi rien ne l'intéressait sinon le son de sa voix ? Pourquoi... Il ne savait pas. Il avait vécu si longtemps mais n'avait jamais vécu cela... Et toutes les données récoltées au long de sa vaste existence, qui auraient pu lui dire ce qu'il en était se dérobaient à son esprit, à moins que ce ne soit lui qui refuse de les voir, qui refuse de comprendre ce qui détruisait tout ce qu'il avait toujours cru avec tant de ferveur pendant des millénaires, des millions d'années, depuis tellement, tellement longtemps...

    « Je suis ta Reine et je te jure que s’il meurt parce que tu nous a fait perdre du temps je te tuerai moi-même ! SOIGNEZ-LE ! »

    Cet éclat fut la dernière chose que perçu sa conscience. Il fut emporté loin d'elle, pour être guérit, soigné, et privé de sa présence il sentit sa conscience s'éteindre doucement, plonger dans les ténèbres bienfaitrices de l'inconscience, se laissant aller entre les mains de ceux qui pourraient guérir son corps et permettre à son âme de s'apaiser enfin...

    ******************************

    Et en effet, il fut soigné avec efficacité. Les Prêtresses n'avaient pas encore l'importance qu'elles auraient plus tard, mais leur art était déjà porté à des hauteurs exquises, d'autant plus en ce Palais qui était le sien et où il n'avait pas manqué, comme de bien entendu, de prodiguer des compléments de formation aux soigneuses aussi bien qu'aux sorciers ou aux guerriers, sachant trop bien que tous les aspects d'une armée étaient importants, même ceux qui étaient à première vue les plus inoffensives. La flèche fut extraite, puis la magie referma peu à peu sa plaie jusqu'à ce qu'elle ait été totalement cicatrisée, les lentes mélopées concentrant le pouvoir du Dieu pour soigner le Roi qui devrait porter son emprise et sa puissance aux quatre coins du monde souterrain, pour sauver celui qui pourrait faire de Zeshania la Fière, la Fleur au Six Pétales, la première des villes des profondeurs, c'est à dire la mettre à la place qui aurait toujours dû être la sienne. Elles le plongèrent ensuite dans un sommeil plus profond, plus doux, plus réparateur, et une douce touche vint s'insérer dans la magie même du Dieu pour ce repos soit paisible et sans rêves...

    Svanhilde aussi fit prise en charge. Shuruga ne laissa aucun des gardes ni aucun des nobles s'approcher d'elle, protecteur, attendant avec patience que la bonne personne arrive. Cela ne prit que quelques minutes, d'ailleurs, avant qu'une silhouette sombre fende la foule sans efforts, les hommes comme les femmes s'écartant sur son passage. Il était reconnaissable entre tous à ses cheveux d'or au milieu des longues tresses d'ivoire de tous les Drows, et le sourire ironique qui déformait son beau visage disait assez combien la situation l'amusait. Il aurait dû être un paria, moins qu'un esclave, il n'était selon les critères des Elfes Noirs qu'une horrible aberration de la nature. Mais aucun d'eux n'aurait osé un mot contre lui, car Medar l'avait vu, trouvé, avait fait éclore ses talents jusqu'à les porter à la perfection. Non seulement la main du Seigneur était sur lui, mais il aurait été capable de tuer n'importe lequel d'entre eux en quelques instants seulement. Il échangea un long regard avec le Cheval, de ses yeux vers si profonds et si perçant, à transpercer les âmes faibles, puis la monture s'écarta de deux pas, lui laissant l'accès au corps inconscient de la belle.

    Le Fantôme, comme on l’appellerait bien des années plus tard, mais qui portait alors son véritable nom, se pencha sur sa Reine et la prit dans ses bras pour l’amener jusqu'à la chambre royale. Il la déposa dans le lit et referma la couverture sur elle, avant de s'installer sur une chaise à ses côtés pour la veiller avec patience. « S'il m'arrive quoi que ce soit, veille sur Svanhilde »... L'ordre de son Maître, et ses ordres il les respectait toujours, il les respecterait toujours dans les longues, longues années qu'il passerait à son service, et qu'il ne voyait pas encore. Comme il exécuta celui-ci, gardien attentif de la belle endormie, jusqu'à l'heure de son éveil...
    Svanhilde Luaruneclavra
    Svanhilde Luaruneclavra


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    Message par Svanhilde Luaruneclavra Jeu 13 Oct - 16:37

    J’étais à moitié plongée dans un sommeil sans rêve. Perdue entre la réalité et nulle part. Mes côtes étaient douloureuses c’est tout ce font j’avais conscience. Mon corps épuisé avait rencontré durement le marbre de la grande salle ce qui étant donné la hauteur de Shuruga n’avait probablement rien arrangé à mon état. Je voulais me relever, ouvrir mes yeux mais c’était au dessus de mes forces. Mon corps me refusait toute requête. J’étais si épuisée que même les plaintes de douleurs qui auraient pu s’échapper de mes lèvres restaient muettes. Quand bien même elles auraient pu sortir, je les en aurais empêchées. Je ne suis pas faible ! Personne jamais dans ce palais ne pourra dire ça de moi !
    Pourtant étendue au sol, c’est l’impression que je me faisais… On aurait pu tenter de me faire n’importe quoi en cet instant que je n’aurais plus eus la force de lutter en quoique ce soit… J’avais mal… ça lançais, brûlait, déchirait… Mais ce qui était le plus douloureux était ce gouffre formé en plein milieu de mon cœur. Ce vite incroyable que je ressentais et qui semblait m’aspirer dans ses méandres abyssaux et infernaux. Ce trou béant qui s’était formé au moment même où Medar avait quitté mon champ de vision et qu’à ce très exact instant, je m’étais écroulée de Shuruga.
    Où était-il ? Où était Medar ? Que lui faisait-on ? Est-ce qu’on était en train de le soigner ? Est-ce qu’il n’était pas trop tard ? Mon hésitation à revenir le sauver allait-elle lui coûter la vie ? Tant et tant de question que mon cœur se posait et que ma raison n’avait pas la force de repousser pour une fois. Ce mensonge dont je me forçais à m’aveugler ne pouvait plus être dans l’état dans lequel je me trouvais… Avais-je conscience de me poser toutes ces interrogation, je n’en suis même pas certaine à ce jour…
    Je sombrai.
    Coulai dans cette amère léthargie qui me faisait horreur sans que je ne puisse rien y faire. Elle m’avait fait captive de ses liens invisible et m’interdisait tout mouvement, tout signe de conscience… Elle m’aspirait de plus en plus en son sein. J’avais cette impression de tomber dans un gouffre sans fond sans pouvoir tendre les bras pour pouvoir me raccrocher à quoique ce soit… Les parois étaient lisses. Sans prises. Glaciales…
    Je sombrai…

    Les voix autour de moi se faisaient écho lointain et sourd. Comme sorties d’un autre monde. Elles parlaient mais je ne comprenais rien. Ne me parvenait qu’un amas de sonorités indiscernables qui se bousculaient à mes oreilles et me donnaient envie de leur hurler de la fermer. Leurs cris étaient insoutenables.
    Pourtant, quiconque était éveillé savait que dans la salle ne s’élevaient que des murmures. On me regardait et m’observait tout en échangeant quelques mots discrets avec son voisin le plus proche. Mais à moi tout me semblait amplifié. J’avais cette sensation que j’allais exploser. Tout était trop fort, trop froid, trop douloureux, trop raisonnant, trop tout. Mes paupières avaient beau être closes, j’avais l’impression que la pièce tournait autour de moi dans un tourbillon infernal pour m’engloutir. Que ça s’arrête ! Pitié que ça s’arrête !

    Et ça s’arrêta. Soudain tout s’arrêta. Le silence se fit d’or. A demie inconsciente, je me forçai néanmoins à ne pas me laisser emmener par les ténèbres. Je voulais savoir. Je voulais comprendre. Pourquoi soudain tout était aussi calme ? Pourquoi une telle tension régnait-elle dans la salle ?
    Medar ?
    Non ce n’était pas ça. Ce n’était pas lui… Quoi alors ? Qui ?
    Faiblement je tentai d’ouvrir mes yeux mais sans succès. Je sentis quelque chose se pencher sur moi et aurai voulu pouvoir me soustraire à cette ombre mais ça m’était impossible.


    « Ne me touche pas ! Ne me touche pas ! Non !!!!! »

    Je me sentis soulevée. Le gouffre m’aspira un peu plus. Le corps contre le mien je ne le connais pas mais il a une aura étrange. Ses bras me tiennent avec une facilité déconcertante tandis que mon corps pantelant est bercé par ses pas souples. Mes doigts semblant vide de toute vie se balancent dans le vide alors que ma tête dodeline contre ce torse inconnu. Mes paupières s’entrouvrent et un instant le regarde, cet homme aux allures fantomatiques, avant de se refermer au monde et que l’épuisement ne me submerge.

    « Résiste Svan… Résiste… »

    Ne pas se laisser ensevelir par les ténèbres. Ne pas baisser sa garde. Ne jamais baisser sa garde. Je lutte. Me bats contre moi-même malgré cette irréprécible envie de dormir. Je suis à la merci de l’étranger et c’est un sentiment qui me révulse. Surtout après ce qui vient de m’arriver.
    Je suis dans le château de mon mari, dans le mien, pourtant pour l’instant je n’ai confiance en personne ici… Personne d’autre qu’en moi. Lui, celui qui me porte et m’emmène je ne sais où, j’ignore tout de lui. Mais qu’il soit serviteur, soldat ou sorcier, je m’en moque je ne le laisserai pas me blesser plus que je ne le suis déjà !
    J’essaie de parler. De faire sortir un son audible d’entre mes lèvres afin de lui ordonner de me lâcher, mais ce n’est qu’une brève et presque inaudible plainte qui m’échappe, avec autant de faiblesse que ce coup que j’avais voulu lui porter et qui ne s’est traduit que par une lamentable crispation de mes doigts…

    Puis, une sensation familière. Un cocon que j’ai appris à apprécier avec le temps. Mon lit. Notre lit…
    Inconsciemment mon cœur s’apaisa lorsque mon corps quitta les bras de l’étranger pour retrouver les imaginaires d’un Autre… Je me blottis dans cette chaleur rêvée et me nichai au creux de ce corps qui n’était pas. Il n’était pas là, mais Son odeur l’était elle… Et elle m’enveloppa. Pénétra chaque parcelle de ma peau pour y laisser s’y déverser son baume de quiétude.
    Curieux que ce qu’un état second peut nous faire ressentir…
    Finalement, mes défenses s’effondrèrent, engourdies par le sommeil qui me submergea. Je m’endormis profondément, emportée par deux yeux d’or.

    *********

    Je ne sais pas combien de temps je restai ainsi à dormir dans mon lit. La fin de la nuit ? La journée entière ? Plusieurs jours ? Aucune idée…
    Doucement la réalité me rappela à elle. Mon sommeil s’allégea. Je perçus une présence dans la pièce. J’entendis la vie dans le palais. Ouvrir les yeux me paraissait pourtant difficile. Je me sentais encore un peu faible et j’avais mal. Très mal. Partout…
    De plus en plus tout devint pourtant clair autour de moi. Ma léthargie me quitta et dans un petit effort, j’ouvris mes yeux pour découvrir le plafond familier de ma chambre royale. Immédiatement, les évènements reprirent leur place dans mes souvenirs. Ma fuite, mon agression, Medar, le bateau sur la nappe, ma liberté arrachée… Je l’avais repoussée et à présent je me retrouvai à nouveau prisonnière de mes chaines…


    - Non !

    D’un sursaut je m’asseyais dans le lit mais mon visage fut immédiatement déformé par une grimace de douleur alors que je portai la main à mes côtes meurtries. Je restai figée, la mâchoire crispée à essayer de maîtriser ma douleur tandis qu’une bouffée de chaleur étouffante m’envahit et que mes yeux s’embuèrent. Bon sang ce que ça faisait mal !

    - Ah !

    Essoufflée sous le déchirement ressentit par mon corps, je retombai sur le matelas et tentai de faire affluer l’air dans mes poumons. Ce n’est qu’alors que je remarquai que je n’étais pas seule. Mes yeux d’or s’égarèrent sur la silhouette de l’homme et le dévisagèrent avec attention, étudiant chaque détail qu’ils pouvaient percevoir.
    Je crois que je l’avais déjà entrevu une ou deux fois. Cet homme étrange… dissimulé dans l’ombre de Medar…
    D’ailleurs où était-il lui ? Pourquoi est-ce que c’est cet homme là qui était assis à me veiller et non mon mari ?
    Non mais que je veuille le voir mais…

    En fait si… Je désespérais de le voir… Savoir s’il allait bien. Si je l’avais ramené à temps ! Mais ça, évidemment encore une fois, j’aurais préféré à l’époque me couper la langue plutôt que de l’admettre !


    - Qu’est-ce que vous faites dans ma chambre vous ?! Ah ! crispai-je mes doigts sur ma blessure qui se faisait plus douloureuse à chaque excès d’inspiration. Sortez !

    Prenant sur moi, je me redressai à nouveau dans ma couche, fière et altière et le toisai de mon regard d’or. Mon corps trembla mais je me dominai de mon mieux pour tenter de ne rien laisser paraître de ma souffrance physique. Physique et… inconsciemment, surtout déchirée par ma douleur interne… Celle qui saisit au cœur et déchire l’âme mais que j’étais trop sotte pour reconnaître…

    - Sortez ! ordonnai-je encore avec plus de force mais plus de peine.

    Si lui était là, à la place de Medar, ça ne pouvait pas être bon signe !
    Sans que je ne m’en rende compte, cette idée m’était insupportable ! J’avais bien trop mal pour quelques cotes abimées et si j’avais été plus attentive à mes sentiments au lieu de tout le temps écouter ma raison, je me serais aperçu en cet instant que je n’endurai pas la douleur de mon corps, mais bel et bien celle de mon cœur. On dit que les peines du corps ne sont rien à côté de celles du cœur, j’étais en train de mettre à l’épreuve cette théorie… Et de l’approuver plus qu’il n’est de raison de le faire bien que je ne le comprenne pas…
    Là était ce qui était le plus insupportable… Là était ce qui me portait presque au bord de la panique et de l’agonie à devoir supporter pareille souffrance… Mon organe de vie avait peur… Peur d’être privé de celui qui était peu à peu devenu son essence. Peur que celui dont il attendait les échos de ses battements avant de lancer les siens en réponse ne lui soit arraché…
    Mais tout cela, encore aurait-il fallu que je puisse le deviner, encore aveuglée par le voile de l’innocence de ma jeunesse…


    - Obéissez !

    Mes vêtements étaient ceux d’un voyageur, pourtant je ne perdais rien de ce port de tête royal qui était plus qu’une évidence lorsque l’on me regardait. Après tout ne l’avais-je pas clamé haut et fort au milieu de la réception lorsque j’avais ramené le Seigneur en son palais ? J’étais la Reine !
    Et en l’occurrence, la Reine voulait qu’il sorte ! Comme il n’obéissait pas assez vite, c’est moi qui entrepris de sortir.
    Repoussant mes couverture d’un geste rageur, je me tirai hors du lit et poussait sur mes jambes de coton. Mon sens accru de l’équilibre me fut très utile pour ne pas me casser la figure à l’instant même où je me levai et commençai à marcher. Je n’accordai même pas un regard à mon veilleur, le laissant planté sur sa chaise. Je ne voyais plus que la porte de la pièce qui n’attendait que moi mais me paraissait si loin… Tellement loin…
    Mes pas fébriles m’amenèrent néanmoins jusqu’à elle où je m’appuyai un instant, le front contre le bois, étourdie, en nage. Ma respiration était bruite et irrégulière. Mon cœur battait trop vite et trop fort. Torpeur, candeur, douleur… Tout se mêlait. Trop d’efforts soudains dans mon état me faisaient tourner la tête à une vitesse vertigineuse.
    Têtue, je persistai pourtant et continuai. Relevant mon regard, je reculai d’un pas et activai la poignée dorée. Un instant je fermai mes yeux, saisie d’un vertige. Je ne devais pas tomber. Je devais être forte ! Encore et toujours être forte ! Où est-ce que je voulais aller ainsi ? Je ne voulais pas me l’avouer à moi-même…
    Après une demie-dizaine de secondes, je voulus me persuader que la malaise était passé et décidée, ouvris la porte avant de vouloir m’élancer dans le couloir. Mais à nouveau, trop meurtri, mon corps ne supporta pas ce que je lui imposais et avec un nouveau cri de douleur, je sentis ma tête prête à éclater. Démunie face à moi-même, je me vis tomber dans le vide, redoutant le moment où encore une fois j’heurterai le sol dur et glacé et où cette fois probablement mon corps se briserait comme déjà inconsciemment mon coeur l'était...
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    Message par Medar Ven 4 Nov - 1:38

    Il était patient. Très patient, en vérité. Il était pourtant jeune encore, bien jeune, quoique moins que sur celle sur laquelle il veillait. Plus tard, bien plus tard, on ne se priverait pas pour expliquer sa patience par les nombreuses années qu'il aurait derrière lui, quand silencieux il veillerait dans les rues de villes aux noms étrangers et à la gloire différente des cités des profondeurs, quand il se glisserait dans les ruelles étroites d'Alicandia la Fière, qui portait alors un autre nom, ou d'Etemenorkia la Grande, qui n'était qu'un rêve pas encore filé dans le dessein du temps. Mais en ces temps plus anciens, où nul à la surface du monde ne savait encore qui il était ou ce qu'il ferait, où l'Ennemi n'était qu'une donnée à peine esquissée dans quelques esprits millénaires et où les grandes cités qui forgeraient une terre pour les royaumes guerriers n'étaient pas encore bâties, en cet âge où la Lumière inondait encore l'Ouest en l'île de Pilmor, nul dans les dédales du monde ne pouvait encore commettre une telle erreur. Sa patience était profonde comme le plus vaste des lacs des abysses, si pas plus encore, et c'était là une caractéristique essentielle de son être comme de son âme que le temps n'altérerait point, en bien ou en mal.

    Et ici, en ce lieu, cette patience si vaste fut utilisée non pas pour attendre une proie ou tisser un complot, mais seulement pour veiller sur une unique femme, qui était également une femme tout à fait unique en son genre, puisque c'était celle de son Maître. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'il la contemplait longuement, que ce soit en son sommeil ou à d'autres moments, car il était le maître-espion et assassin de son Seigneur, et avait pendant de longs mois dirigé les équipes chargées de surveiller la belle Svanhilde et de tout apprendre d'elle. Ce genre de choses faisait également partie de ses fonctions, et ne lui posait aucun problème particulier. Il aurait fait et avait en vérité fait bien pire pour celui à qui il avait voué à sa vie comme son être depuis qu'il l'avait prit sous son aile. Ses rapports sur la belle Drow avaient tous été très positifs, et il devait bien être un des seuls à connaître les deux époux aussi bien tout en approuvant le choix de Medar. La dame n'était pas seulement belle, elle était aussi dangereuse, chacun de ses gestes le disait. Et l'étincelle de pouvoir au fond de ses yeux ne trompait pas non plus, de même que la noblesse de tout son être.

    Ce qu'il comprenait moins facilement, c'était pourquoi son Maître était parti seul à sa poursuite, et surtout pourquoi et comment il avait pu en revenir blessé. Pour la première question, il pouvait imaginer quelques réponses. Parce qu'il était assez puissant pour se le permettre, parce que sa monture était inégalable dans toutes les profondeurs, ou encore parce qu'il ne voulait pas que quelqu'un commette un faux pas avec Svanhilde. Mais pour la seconde, par contre... Il n'avait jamais vu le Seigneur être défait, que ce soit par la magie ou par les armes, et il peinait à même envisager une raison à cette blessure, surtout aussi grave. Était-ce volontaire ? Pour enchaîner la belle ? Cela ne lui aurait pas ressemblé, ni d'user de telles méthodes ni de se mettre autant en danger... Restait la possibilité de la surprise, mais qu'est-ce qui aurait alors pu le surprendre autant ? En somme, chaque pensée en faisait naître une autre, et la réflexion de celui qui serait bien plus tard le Fantôme se poursuivit encore longtemps alors qu'il veillait sa Reine, son corps et une part de son esprit restant pourtant toujours en alerte, pour le tenir prêt à réagir devant la moindre menace, si infime ou inattendue fut-elle, de quelque nature qu'elle soit.

    Ainsi sorti-t-il tout à fait de ses songeries quand la belle commença à s'agiter dans le lit royal. Il la contempla de ses yeux verts si perçants et vifs, recelant une grande intelligence et une intensité aiguë comme ne l'était aucune lame mortelle, alors qu'elle se débattait avec elle-même, ne pouvant rien pour l'apaiser de quelque façon que ce soit.


    « Non ! »

    L'exclamation avait fusée des lèvres de la belle alors même qu'elle s'éveillait et se redressait brusquement dans le lit... ce qui déclencha visiblement une vive douleur. Il la laissa néanmoins faire comme bon lui semblait sans intervenir, car tel n'était pas son rôle en vérité. Il n'était pas guérisseur, et il ne lui revenait pas non plus de lui dire quoi faire. Elle était sa Reine, et donc libre vis-à-vis de lui. Il devait seulement veiller sur elle, comme son Maître l'avait demandé.

    « Ah ! »

    De longs instants s'écoulèrent, sans doute le temps que la dame prenne la mesure de sa douleur, avant qu'elle ne se rendre compte de sa présence. Quelque chose sembla alors se jouer en elle, bien qu'il ne pu dire ce que c'était exactement, mais il se contenta simplement de lui rendre ses regards, patient et très calme. Il n'avait pas plus de nouvelle de Medar qu'elle, et n'aurait pu lui en donner même s'il avait été sûr que tel avait été son inquiétude, puisqu'il ne l'avait pas quittée.

    « Qu’est-ce que vous faites dans ma chambre vous ?! Ah ! ... Sortez ! »

    Ce qu'il ne fit pas, bien sûr. Être Reine la dispensait de tous les comptes qu'elle aurait eut à rendre, mais lui-même en devait avant tout et surtout à son Maître. Elle eut beau le toisé de ses yeux d'or, les étendues émeraudes de ses propres iris ne bronchèrent pas, elles qui étaient habituées à plonger dans un regard carmin au combien plus terrible et à ne suivre que les règles de celui-ci ainsi que les leurs propres. Il avait des ordres et ne les transgresserait pas.

    « Sortez ! »

    Sa voix était plus forte, plus impérieuse encore, mais cela ne suffirait point à le fléchir. Il resterait avec elle, il veillerait sur elle mieux encore que sur la prunelle de ses propres yeux, car ainsi lui avait commandé le Maître et que pour lui chaque parole de son Seigneur était presque un dogme saint en soit. Il suivrait les ordres de Medar jusqu'à la mort ou plus loin encore s'il le fallait, et pour l'heure il lui avait été demandé de la protéger, de la garder, et c'était bien là ce qu'il comptait faire, nonobstant tous ses ordres à elle ou tous ses états d'âme.

    « Obéissez ! »

    L'ordre glissa sur lui, quoiqu'avec plus de difficulté. Elle avait bien du charisme mais cela ne suffirait pas, même pas, pas, pas avec lui. Plus tard, bien plus tard, dans les allées du temps qui n'était pas encore, il serait confronté à bien d'autres êtes de pouvoir dont certains auraient aussi une grande auras, ou maintes autres qualités aptes à faire d'eux de grands hommes, mais cela ne l'empêcherait jamais et en aucun cas de faire ce qu'il aurait à faire avec eux, en bien ou en mal, car aucun, pas un seul, ne saurait le détourner de son Maître. Lui seul, de tous ceux qui s'en viendraient en Anok, ne passerait jamais vraiment sous une autre autorité que celle de Medar, à jamais son Seigneur, malgré ses obédiences de toutes sortes. Lui seul saurait tous les dédales d'Alicandia la Fière aux blanches murailles et aux hautes tours, sise entre les plaines et les montagnes. Lui seul, avec un autre qui était différent de tous, même de lui, car il n'était point serviteur mais un autre Seigneur, verrait la Cité et l'Ombre dans toute leur splendeur, et plus tardivement comprendrait la Flamme, quoi que dans une mesure bien moindre cette fois-là.

    Pour l'heure, il ne se concentrait que sur elle, se levant quand elle se leva, puis suivant ses différents mouvements. Il n'intervint que quand elle se mit à tomber. Silencieux comme une ombre, vif comme un rêve, il fut près qu'elle et la rattrapa de ses bras forts et doux à la fois. Il l'y enveloppa, ne tenant pas compte de ses protestations si elle en avait.


    « Je vais vous mener à lui... »

    Était-ce ce qu'elle voulait faire à la base, ne l'était-ce pas ? Il ne pouvait le savoir, mais ne s'en soucia pas outre mesure. Il se contenta de la prendre à nouveau dans ses bras et de la mener jusqu'aux salles où officiaient les prêtresses. Elles s'écartèrent vivement devant lui, le craignant plus que tout non pour ses dons ou son protecteur mais pour ses cheveux d'or, qu'elles considéraient comme une malédiction du Dieu sur un mortel, une malédiction qui pouvait être contagieuse. Comme toujours, il s'en amusa beaucoup, aimant cette subtile alchimie entre répulsion et crainte qu'il faisait naître partout et sous différentes formes. En temps normal, les prêtresses se seraient contenté de le faire exécuté par un mercenaire quelconque pour se garder même de l'approcher, mais il pouvait tuer tous leurs mercenaires et il était le protégé du Seigneur, ce qui le plaçait hors d'atteinte... et les forçait à le supporter, bien qu'elles se gardent toujours de le toucher et si possible de même lui adresser la parole, par précaution, certaines allant jusqu'à détourner le regard sur son passage pour ne pas voir la marque de son « fardeau maudit ».

    « Où est-il ? »

    Une des femmes les plus courageuses ou les moins dogmatiques, qui acceptait de le regarder, lui indiqua la salle d'un fond d'un bref mouvement du bras. Avec un hochement de tête aussi courtois que moqueur, il s'y dirigea, transportant toujours sa Reine. Ils y trouvèrent Medar, plongé dans un sommeil en apparence paisible mais à la peau pâle en dépit de sa noirceur. Son souffle était lent, régulier mais faibles, et ses mains étaient croisées sur l'emplacement de sa blessure. Celui qui un jour serait la Fantôme déposa son délicieux fardeau sur le bord de la large couche et se recula de deux pas, silencieux et calme, ses yeux verts trahissant seuls une pointe d'inquiétude pour son Seigneur et Maître qui paraissait bien faible malgré les soins des prêtresses. Ce ne fut qu'au bout de quelques instants qu'il parla, pour poser une unique et simple question, d'une voix très douce.

    « Ne pouvez vous rien faire pour lui, ma Reine ? »
    Svanhilde Luaruneclavra
    Svanhilde Luaruneclavra


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    Message par Svanhilde Luaruneclavra Dim 13 Nov - 17:10


    Je vis le sol se rapprocher, mais je ne le rencontrai pas. Au lieu du marbre froid et dur pour heurter mon corps endolorit, se furent deux bras qui m’enserrèrent et me redressèrent. Etourdie je restai un instant sans bouger puis mes idées remises en place, retrouvai un peu de ma fougue, l’autre moitié étant restée dans le lit sans moi… Mes mains allèrent claquer celle de l’inconnu, sèches et impérative mais sans grande force… Je me sentais fébrile, fragile et j’avais horreur de ça !

    - Qu’est-ce qui vous fait croire que je veux aller le voir ?!

    Je venais inconsciemment de trahir mon inconscience.
    Me mener à lui avait-il dit… Curieusement, ce « lui » je l’avais immédiatement associé à Medar. J’aurais pu lui demander où il voulait m’emmener, qui il voulait que je vois, mais non. C’est mon mari qui s’imposa à moi. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine à l’idée de le voir, mais une fois de plus ma tête interpréta mal cet affolement cardiaque qui me menait au bord de la crise de nerfs. Ce que je pris pour de la répulsion, du rejet, n’était qu’une angoisse croissante et lacérante qui me déchirait à l’intérieur. Je clamai ne pas vouloir me retrouver à nouveau dans la même pièce que l’homme qui m’avait contrainte à l’épouser et en même temps, chaque parcelle de ma peau réclamait son touché. Sa chaleur. Sa présence…


    - Lâchez-moi ! Pour qui vous vous prenez !? hurlai-je lorsque l’inconnu me souleva à nouveau dans ses bras. Posez-moi tout de suite vous entendez ?!

    Un élancement me réduisit au silence lorsqu’à force de gesticuler dans ses bras pour m’en libérer, je me fis atrocement mal à mes côtes blessées. La douleur me porta à l’estomac et un instant, ma tête tourna et se mit à dodeliner. Mon regard se perdit dans le vide et se voila de points rouges tandis que le décor autour de moi semblait tout faire pour échapper à mon contrôle. Ça tournait…
    Cela dit aucun cri ne franchit mes lèvres. Je me contentai de serrer les dents pendant que la bouffé de chaleur retombait lentement après être montée en flèche.
    Lorsque je vis les prêtresses, j’espérai qu’elles prendraient le temps de me soigner car la souffrance était abominable, mais non. Rien. Toutes s’écartèrent face à mon porteur et ses grands airs. L’envie de lui mettre mon poing au visage se fit forte lorsqu’il les questionna d’un ton impérieux… C’était quoi ces grands airs qu’il se donnait ? J’en fus tellement estomaquée, et d’autant plus avec la réaction des femmes que ma rage croula sous ma stupéfaction ce qui le préserva d’un coup.
    C’était la meilleure celle-là !
    Pourquoi est-ce qu’elles lui obéissaient ainsi ?! La royauté ici c’était moi et non lui ! Elles auraient du faire attention à moi et non à lui !!!! Elles ne voyaient pas que j’étais blessée et souffrais le martyr ?!
    L’une d’elle indiqua la porte du fond et mon porteur repartit. Essayant de contenir ma douleur, je continuai de gesticuler contre lui, mon regard assassin.


    - Est-ce que vous allez me lâcher à la fin ?! Je vous l’ordonne !!!!!! Posez-moi je ne veux pas le voir je veux partir d’ici !!!!!!!!! REPOSEZ-MOI !!!!!!!!!!!!!!

    Ma voix raisonna dans l’immense chambre mais j’étais tellement occupée à me débattre en faisant abstraction de mes côtes tout en tapant sur celui qui se croyait tout permis, que Medar passa inaperçu à mes yeux.
    Enfin pourtant, il me posa sur un lit et je le repoussai par pur esprit de rébellion avant de vouloir me relever pour sortir mais immédiatement, je fus saisie d’un vertige qui m’obligea à m’asseoir et à le rester.
    Hagarde je regardai tout autour de moi pour voir où j’étais et me figeai lorsque je vis Medar étendu dans ce lit immense, livide, cadavérique. L’espace d’un instant je ne sus trop comment réagir. Mon cœur manqua plusieurs battements et je demeurai sans bouger, mes yeux posés sur celui qui était mon époux de par la loi. Mon cœur prit le pas sur ma raison oubliant tout le reste autour de nous sous le coup du choc et de l’inquiétude qui en découla.


    - Ne pouvez-vous rien faire pour lui, ma Reine ?

    Comme piquée par une aiguille chauffée à blanc, je sortis de ma rêverie et clignant des yeux, me repassai les mots que l’homme venait de prononcer. Ma raison et mon entêtement reprirent leur emprise sur mes sentiments encore inconnus de moi-même, et d’autant plus que je n’étais pas seule dans la pièce avec Medar.
    Faire quelque chose pour lui ? Pourquoi voudrais-je faire quelque chose pour lui ?! J'avais déjà fait beaucoup trop pour lui !! Je l'avais ramené !!!!
    Mon regard d’or se faisant d’un bronze incandescent, je me tournai vers mon auditeur, folle de rage.


    - Et moi alors ?! je me crispai, m’énerver me faisant incroyablement mal au côté, mais résistai. Le roi le roi toujours le roi ! Par contre moi je peux me vider d’une émoragie interne que vous n’en avez rien à faire !!! Ah ! serrai-je les dents. Ne m’approchez pas ! Je me moque de ce qui peut lui arriver il m’a forcée à venir ici ! Je le hais ! JE VOUS HAIS TOUS ! SORTEZ !

    Mon corps tout entier me brûlait… J’avais tellement mal que mes yeux s’étaient faits larmoyants pour plus de raison que je ne le pensais, autres que la douleur lacérante. Mon corps tout entier me semblait être une plaie à vif. J’avais si mal… partout tout en moi…
    Ma main sur mes côtes, mon souffle saccadé, ma tête me tournait. Mon pseudo repos n’avait servi à rien et j’étais plus épuisée que si je n’avais pas dormi du tout, le sommeil m’ayant engourdie.
    Mes larmes éclatèrent et les sanglots m’emportèrent. Je me sentais en colère contre la terre entière, frustrée et incroyablement vulnérable en cet instant, sentiment dont j’avais horreur. Le fait qu’un serviteur soit témoin de mes larmes me couvrait de honte et de fureur à la fois. J’avais beau détourner mon visage, je savais que je ne le trompais pas et m’acharnai donc à le faire quitter la pièce. Mes cris sortirent de mon cœur à moitié brisé par le fait qu’on m’ait retenu dans ma fuite et que je me retrouvai à nouveau dans cette prison dorée puis inconsciemment par le fait que Medar soit dans cet état…
    Je voulais qu’il quitte la pièce à la fin je n’étais pas assez claire ?! C’était si difficile à concevoir ?! J’étais chez moi !! J’étais l’Impératrice ! Il me devait respect et obéissance alors qu’il le fasse !


    - SORTEZ JE VOUS AI DIT ! me levai-je difficilement mais avec une volonté de fer. DEHORS ! LAISSEZ-MOI !!!!!

    La colère fit monter l’adrénaline en moi. Elle induisit tout mon corps de son flux et coula dans mes veines telle une drogue qui pulsa en moi, faisant croitre la magie qui y était enfermée. Ma main se tendit vers luii et l’énergie passa en mon bras jusqu’à en sortir et frappa l’homme de façon fulgurante et sans appel, le propulsant hors de la pièce. D’un pas décidé j’allai à sa suite, attrapai la porte et la claquai devant son nez, m’enfermant seule à clé avec Medar avant de me retourner et de m’y adosser.
    Je portai ma main à mon visage afin de contenir un étourdissement, puis chancelante, retournai jusqu’au lit où je me lassai choir. Je ne réalisai pas ce que je venais de faire. La puissance qui était sortie de moi. J’ignorai qui était cet homme et n’avais nulle conscience de sa réputation. La surprise avait été à mon avantage, mais toujours est-il que je l’avais expédié hors de la chambre en quelques secondes à peine malgré mon état…

    Essoufflée, en nage, je posai mes yeux fatigués sur celui de mon mari. Lui avait été soigné. Moi je souffrais le martyr. Mes cheveux étaient collés à mon front tant tout mon corps était trempé de sueur. Mes vêtements étaient maculés de sang et humides contre ma peau suante.
    A bout de forces, fiévreuse, je voulus m’approcher de Medar pour continuer à lui faire des reproches mais finalement, dès que je fus à côté de lui, mon corps se relâcha, se sentant rassuré par sa proximité sans que je ne le devine, et m’abandonna.
    A nouveau mes yeux roulèrent et je m’écroulai sur lui, contre lui, comme sans vie.

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